Impact de la COVID-19 en Afrique : entre décès, dette et opportunités
De nouvelles prévisions de l’impact de la pandémie sur 10 ans montrent aux pays africains comment renforcer leur résilience et relancer la croissance économique.
Pretoria, Afrique du Sud – Bien qu’elle ait engendré une crise du développement humain en Afrique, la COVID-19 offre également l’opportunité d’accélérer les investissements dans les infrastructures et les réformes économiques afin d’améliorer les perspectives post-pandémie du continent.
Surpeuplées, les habitations urbaines informelles ont rendu difficile la distanciation sociale et l’Afrique pourrait s’en trouver plus exposée à la COVID-19. Cette situation se voit encore aggravée par plusieurs facteurs, notamment un accès limité à l’eau potable, la malnutrition, des systèmes de santé mal financés et une forte incidence de comorbidités telles que la tuberculose et le VIH/SIDA.
Les prévisions varient considérablement en ce qui concerne le nombre d’infections et de décès, mais l’impact économique et social de la pandémie se fait déjà sentir et pourrait déclencher une série de crises de la dette, selon un nouveau rapport de l’Institut d’études de sécurité (ISS), de Gordon Institute of Business Science (GIBS) et de Frederick S. Pardee Center for International Futures. Ce travail de recherche a été financé par Humanity United et la Fondation Hanns Seidel (HSF).
« Cette étude est publiée à un moment très important ; il s’agit du premier travail de prévisions complètes à long terme de l’impact sanitaire et économique de la pandémie sur l’Afrique à l’horizon 2030 », a déclaré Markus Ferber, député européen et président de la Fondation Hanns Seidel. « L’Afrique sera très durement touchée, mais cette crise offre également des perspectives de transformation économique durable. Ces prévisions sont précieuses pour le Sommet UE-Afrique qui se tiendra en octobre. Il est dans l’intérêt même de l’Europe de soutenir l’Afrique dans sa gestion de la crise. »
L’étude se fonde sur les prévisions de croissance du Fonds monétaire international publiées en avril 2020, combinées aux données de Imperial College de Londres sur la mortalité, pour modéliser trois scénarios de l’impact probable de la COVID-19 sur la croissance économique, le revenu par habitant, la pauvreté et les Objectifs de développement durable (ODD) en Afrique.
En Afrique, les taux de mortalité sont à ce jour nettement inférieurs à ceux d’autres régions du monde, probablement en raison de la jeunesse de la population du continent. Cependant, le taux de transmission communautaire est en hausse. Compte tenu des taux d’infection prévus, le taux de mortalité de la COVID-19 devrait être relativement faible. La maladie pourrait causer entre 350 000 et 1,45 million de décès supplémentaires en 2020, mais probablement beaucoup moins par la suite.
L’étude conclut que la mortalité directe et indirecte liée à la COVID-19 entraînerait entre 1,8 et 3,3 millions de décès supplémentaires en Afrique d’ici 2030. Actuellement, environ 700 000 Africains meurent du SIDA chaque année, et presque autant du paludisme.
La mortalité indirecte résulte généralement de la baisse des recettes publiques et d’une réduction des dépenses de santé. À l’instar de l’épidémie du virus Ébola de 2014 à 2016 en Guinée, au Liberia et en Sierra Leone, les fonds qui ont été retirés des soins de santé de base ont provoqué une augmentation de la mortalité due au paludisme, au VIH/SIDA et à la tuberculose, ainsi que de la mortalité maternelle. Si la même chose se produit avec la COVID-19, les décès causés par le VIH, la tuberculose et le paludisme pourraient alors augmenter de 36 % sur cinq ans en Afrique.
En 2020, les recettes publiques en Afrique devraient être inférieures de 45 milliards de dollars par rapport aux prévisions antérieures à la pandémie de COVID. En outre, le rapport évalue que les dépenses de santé publiques et privées diminueront de 3,7 milliards de dollars. La reprise économique devrait être progressive après la levée complète des mesures de confinement en Afrique, et elle se verra affectée par l’effondrement attendu des recettes fiscales ainsi que par la baisse de l’emploi et des revenus des ménages.
La contraction économique est aggravée par le fort endettement de nombreux pays africains. En raison de la dépréciation de nombreuses devises africaines en 2020, le coût du service de la dette a augmenté pour atteindre environ 40 milliards de dollars par an. La COVID-19 est donc susceptible de déclencher une crise de la dette et, éventuellement, un défaut de paiement de la part de certains pays.
En moyenne, la dette devrait augmenter d’environ 4,4 points de pourcentage du PIB en 2020. La suspension du service de la dette, voire son annulation, pourrait constituer un outil puissant pour compléter les efforts déployés par les pays africains en réponse à la pandémie et aider leurs économies à se redresser, indique le rapport.
La contraction des économies africaines entraînera probablement une augmentation de la contribution de l’aide étrangère au PIB. Pendant plusieurs années, l’Afrique sera plus dépendante de l’aide et devra résoudre le casse-tête de la stimulation de l’investissement intérieur, tout en limitant les dépenses publiques.
L’impact de la COVID-19 sur l’extrême pauvreté est particulièrement grave. En 2020 déjà, ce sont 12 millions d’Africains supplémentaires qui ont un revenu inférieur au seuil d’extrême pauvreté de 1,90 dollar par jour, et ce chiffre passera à 26 millions de personnes en 2021. Quant aux prévisions antérieures de 570 millions d’Africains vivant dans l’extrême pauvreté en 2030, elles ont été revues à la hausse en raison de la COVID-19, atteignant les 631 millions de personnes.
La part de la population africaine souffrant de malnutrition devrait augmenter et, d’ici 2030, la mortalité infantile sera trois fois plus élevée que l’objectif fixé par les Nations Unies dans les ODD pour 2030.
Au-delà des politiques d’urgence visant à lutter contre la pandémie, il est nécessaire de renforcer la résilience et d’améliorer les perspectives de croissance à long terme en dépensant plus efficacement dans la santé, en investissant dans les infrastructures de base et en stimulant la transformation économique.
Outre la croissance démographique habituelle, l’urbanisation a vu la croissance rapide de quartiers informels ne disposant pas des infrastructures de base pour faire face à un afflux important de personnes. Selon les prévisions, la population urbaine de l’Afrique devrait plus que doubler d’ici 2050, ajoutant ainsi plus de 800 millions de personnes dans ses villes. La pandémie offre aux pays africains l’occasion de faire de l’approvisionnement en eau et de l’assainissement un élément central de leur plan de relance économique, et d’améliorer ainsi toute une série d’indicateurs de développement.
La COVID-19 pourrait accélérer la transition numérique et faciliter le passage rapide à une économie plus durable, alimentée par des énergies renouvelables. Les technologies modernes peuvent aider à combler une grande partie du déficit de l’Afrique en matière d’infrastructures de base. Cela passe par une combinaison de compteurs intelligents, de big data, de géolocalisation et d’internet des objets afin d’établir des réseaux électriques intelligents et des systèmes solaires pour les ménages, de cartographier les installations sanitaires et les points d’eau, d’atténuer les pics de circulation et de gérer les déchets.
La COVID-19 souligne également l’importance d’accélérer la transformation structurelle vers une croissance des secteurs formels à forte intensité de main-d’œuvre et vers une diversification de l’économie qui permette de ne plus dépendre des produits de base autant que par le passé.
Cliquez ici pour lire le rapport complet : Exploring the impact of COVID-19 in Africa: a scenario analysis to 2030.
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Marius Oosthuizen, GIBS : +27 11 771 4378 ; [email protected]
Prof. Jonathan D. Moyer, Frederick S. Pardee Center : +1 (215) 872-4927 ; [email protected]