Faut-il continuer de croire aux sommets du G-8?
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13 juillet 2008: Faut-il continuer de croire aux sommets du G-8?
« Il est temps que nos relations (UE-Afrique) dépassent le schéma anachronique et appauvrissant donateur-bénéficiaire pour passer à une relation adulte, responsable, entre des partenaires qui se respectent et qui font du dialogue politique la base d’un partenariat efficace et concret pour avancer vers les objectifs du Millénaire pour le développement ».
José Manuel Barroso, Président de la Commission de l’Union Européenne
Les sommets des riches et des pauvres se suivent, mais ne se ressemblent pas. Un autre sommet des pays les plus industrialisés vient de s’achever au Japon dans le luxe loin des misères et de la flambée des prix des denrées de première nécessité dans presque tous les états Africains. En même temps se tient au Mali une rencontre d’un groupe d’organisations non gouvernementales pour rappeler aux dirigeants des pays riches les difficultés quotidiennes des plus démunis de nos sociétés et leur part de responsabilité. Bien qu’au centre des débats au premier jour des assises à Hokkaido au Japon, les alter mondialistes, comme on les appelle, réunis à Katibougou au Mali ont enjoint les pays riches de s’engager cette fois-ci au-delà des promesses pour juguler les effets pervers de la crise alimentaire en Afrique afin de véritablement contribuer au développement du continent.
Ce n’est certainement pas la première fois que la sincérité des pays les plus industrialisés est remise en cause. A l’orée du nouveau millénaire, nombreux étaient ceux qui espéraient voir des changements radicaux dans les relations entre l’Afrique et ses partenaires au développement. L’essence de ce nouvel élan se retrouve dans le projet de Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD) épousé du bout des lèvres par les pays riches. Même si le sommet de Gênes en Italie en 2001 avait adopté ce partenariat et initié un plan d’action qui est débattu deux ans plus tard lors du sommet d’Evian, il n’en demeure pas moins que le bilan aujourd’hui est plutôt décevant.
Il était question de mobiliser les ressources pour traduire les idéaux de ce plan en des actes concrets aboutissant à l’amélioration des conditions de vie et d’existence des milliers d’Africains pris en otage par la pauvreté, les guerres et les maladies. Au sommet de Gleneagles en Ecosse en 2005, le G8 avait promis d’annuler la dette publique multilatérale de plusieurs pays parmi les plus pauvres du globe et convenu de doubler l’aide en faveur de l’Afrique d’ici 2010. Le constat aujourd’hui est que ces promesses son loin d’être honorées et aucun signe ne rassure qu’elles le seront dans un proche avenir.
L’Afrique se porte toujours mal, affaiblie par des guerres. Et là oú les guerres n’existent pas, les querelles politiques causées par les fraudes électorales et les manipulations des constitutions et les institutions de l’Etat empêchent les dirigeants de consacrer les ressources nécessaires au développement socio-économique de leur pays. Entre guerres civiles et crises politiques, ce sont les populations qui meurent de faim, de maladies et autres calamités que les dirigeants pourraient facilement éviter s’il y avait une volonté politique manifeste et une gestion rationnelle des maigres ressources á leur disposition.
Il est fort probable que la crise alimentaire mondiale qui décime en majorité les Etats Africains laisse des profondes séquelles sur le développement du continent et ceci pour une longue période encore. En face de cette crise, on constate que beaucoup des pays africains ne prennent que des décisions hasardeuses pour gérer le court terme alors que la crise même si elle n’est pas Africaine à l’origine, rappelle une fois encore la nécessité d’une révolution agricole sur le continent.
Au regard de ce qui précède, il importe de s’avoir s’il faut continuer à compter sur le G8 pour sortir l’Afrique de la misère. Le politologue Nigérian Claude Ake au milieu des années 90s affirmait que ni la démocratie ni le développement ne peuvent se réaliser par procuration. L’historien burkinabé, le feu Joseph Ki-Zerbo, a fait le même constat dans son célèbre livre, A quand l’Afrique ? publié en 2003. Le développement et la stabilité des Etats Africains incombent d’abord et avant tout aux Africains. L’aide publique au développement a montré ses limites tandis que les formules des stratégies de réduction de la pauvreté et les programmes d’ajustement structurel de la Banque Mondiale et du Fonds monétaire international (FMI) n’ont pas encore eu l’effet escompté sur le niveau de vie des pauvres. On peut ne pas être d’accord sur la notion de pauvreté telle que généralement définie par ces institutions financières internationales. Il n’empêche que l’Afrique reste le continent oú plus de 60% de la population manquent le minimum pour vivre décemment et oú les enfants, à défaut d’un système éducatif acceptable, sont recrutés dans les armées ou vendus á des trafiquants.
Pour les activistes réunis au Mali cette semaine comme pour d’autres ailleurs qui s’insurgent contre ces sommets des riches sur fond d’injustice, la plupart des conditions économiques et politiques, explicites ou implicites, qui sont exigées des Africains tendent à perpétuer, voire à légitimer les rapports de domination multiformes (symboliques, politiques et économiques) qui existent entre les ‘partenaires’ sans offrir au continent africain le moyen de sortir de la misère. D’évidence, il est nécessaire d’adopter une autre stratégie de développement. Les Japonais, les Américains, les Chinois, les Britanniques et les Français ont tous des stratégies pour développer l’Afrique. Mais la stratégie dont le continent a besoin est celle qui est inspirée par ses réalités sociopolitiques, motivée par le souci réel d’émancipation du continent, et soutenue par une volonté politique accrue et le respect scrupuleux des normes d’un ordre consensuel dûment établi par les Africains eux-mêmes.
Pourtant, il n’y a rien qui démontre que sommet nippon sera différent des sommets précédents. La pollution atmosphérique continuera de plus belle pendant que le commerce international restera à l’avantage des pays les plus riches. Et tant que les dirigeants Africains ne prennent pas conscience de leur responsabilité dans la crise sociopolitique et économique du continent, l’aide extérieure d’où qu’elle vienne ne changera pas la situation outre mesure. L’Afrique restera le réservoir des matières premières et des pauvres ; l’Occident restera le donneur de leçons et maître du jeu politico-économique mondial. Car il faut se le dire, le développement de l’Afrique n’est réellement pas au coeur des préoccupations de ses « partenaires » au développement de l’Afrique et ils n’ont aucune obligation pour qu’il le soit.
Dr David Zounmenou, Senior Researcher, African Security Analysis Programme, ISS Tshwane (Pretoria)