Sommet pour un nouveau pacte financier mondial : plus d’élan que d’argent
Le succès du Sommet se mesurera à l'aune des futures réunions où des mesures contraignantes pourront être prises.
Le Sommet pour un nouveau pacte financier mondial, organisé à Paris le mois dernier à la demande du président français Emmanuel Macron était assurément très ambitieux.
« Notre objectif est clair : un monde où la pauvreté est éliminée et la planète préservée », proclament les trente chefs d'État et de gouvernement ou leurs représentants dans un communiqué. Ils se sont aussi mis d'accord sur les moyens à mettre en œuvre pour concrétiser cet objectif : « Tirer parti de toutes les sources de financement, y compris l'aide publique au développement, les ressources nationales et les investissements privés ».
Un souhait plus facile à formuler qu'à concrétiser, d'autant plus qu'une grande partie des observateurs ont décrit un sommet où les interventions ont été plus rhétoriques que concrètes.
Macron et d'autres participants l’ont qualifié d’« historique en matière de solidarité internationale », en écho aux efforts déployés par le président français pour réunir le Nord et le Sud autour de solutions communes aux grands défis mondiaux tels que le changement climatique, la pauvreté, l’excès de la dette et l'appauvrissement de la biodiversité.
La composition du groupe était assez homogène. L'Afrique y était représentée par plus d'une douzaine de présidents ou de Premiers ministres. En revanche, seuls deux dirigeants du G7 étaient présents, à savoir Macron et le chancelier allemand, Olaf Scholz. Le président brésilien, Luiz Inácio Lula da Silva, et le Premier ministre chinois, Li Qiang, avaient fait le déplacement. Le secrétaire général des Nations unies, António Guterres, ainsi que les dirigeants de l'Union européenne et de toutes les grandes banques internationales de développement étaient présents. De nombreuses organisations philanthropiques et entreprises ont également participé à l'événement.
Le cadre commun du traitement de la dette du G20 devrait s’étendre à d'autres pays très endettés
Toutefois, il semble que le Sommet n’ait pas réussi à combler pleinement le fossé entre le Nord et le Sud concernant les moyens d'atteindre les objectifs de la réunion. Quoi qu'il en soit, les efforts déployés ont été salués et ont permis de réduire cet écart, à défaut de le combler.
Le président sud-africain, Cyril Ramaphosa, qui s'est surtout distingué lors du Sommet par ses critiques à l'égard du Nord, accusé de ne pas tenir ses promesses antérieures de financement, s'est félicité des dernières déclarations du président français, soulignant que la solidarité internationale et les transferts des pays les plus riches vers les pays les plus vulnérables étaient plus que jamais nécessaires pour façonner un monde plus juste.
La Première ministre de la Barbade, Mia Mottley, qui a coprésidé le Sommet avec Macron, en a également applaudi les résultats obtenus : « Il y a neuf mois, personne ne parlait de clauses relatives aux catastrophes naturelles […] [ou] de réforme à grande échelle des banques multilatérales de développement […] [et] nous étions loin d'être prêts à aborder la question de la dette ».
Certes, des avancées symboliques ont été obtenues, notamment la conclusion d'un partenariat pour une transition énergétique juste — sur le modèle de celui de l'Afrique du Sud — entre le Sénégal et les partenaires du G7. Le Sénégal a obtenu 2,5 milliards de dollars US pour atteindre son objectif de 40 % d'énergies renouvelables dans son bouquet énergétique d'ici à 2020. Et après deux ans de négociations acharnées, les créanciers de la Zambie ont finalement mis sur la table un accord pour restructurer sa dette colossale.
Malheureusement, ces progrès n'étaient pas réellement ceux du Sommet, où aucun accord financier important n'a été conclu. On a plutôt parlé d'un « élan ». La réunion a donné une impulsion à des efforts potentiellement plus ambitieux, profonds et étendus visant à s'attaquer aux grands problèmes. L'accent a été mis sur les institutions financières internationales et les banques multilatérales de développement, et sur la manière dont elles peuvent contribuer davantage à la lutte contre le changement climatique, à l'éradication de la pauvreté et à l'allégement de la dette.
Les décisions d'allègement de la dette doivent intégrer les catastrophes naturelles liées au climat
Le Sommet s'est penché entre autres sur une question évoquée par Mottley, concernant la prise en compte de la vulnérabilité climatique par les banques multilatérales de développement lors de l'évaluation de la possibilité d'alléger la dette d'un pays.
Globalement, les participants ont été unanimes à reconnaître qu'une forte impulsion financière était nécessaire pour financer les mesures convenues ou avancées lors de la conférence. Nicholas Stern, président du Centre for Climate Change Economics and Policy, a calculé que la réalisation des objectifs climatiques de Paris et des objectifs de développement durable nécessiterait un supplément de 2 % à 3 % du PIB mondial en moyenne, et de 4 % à 5 % sur les marchés émergents et dans les pays en développement.
Les hauts responsables ont noté que les pays les plus riches venaient d'atteindre l'objectif de transférer 100 milliards de leurs droits de tirage spéciaux du Fonds monétaire international vers les pays les plus pauvres, notamment en Afrique, tout en appelant à des engagements supplémentaires. Le Sommet a par ailleurs souligné qu'« il y a désormais de fortes chances » que les pays développés atteignent enfin cette année leur objectif, jusqu'ici insaisissable, de fournir chaque année 100 milliards de dollars US de financement pour le climat aux pays en voie de développement.
En outre, plusieurs mesures visant à stimuler l'investissement privé dans les pays en développement, notamment sur la nécessité de revoir l'évaluation des agences de notation du risque de crédit, ont fait l’unanimité. Chaque dollar prêté par les banques multilatérales de développement devra désormais être complété par au moins un dollar de financement privé, ce qui permettra de mobiliser au moins 100 milliards de dollars US par an de fonds privés dans les économies en développement et émergentes.
En effet, les banques multilatérales de développement devraient « prendre plus de risques » en augmentant le montant de leurs prêts à 200 milliards de dollars US au cours de la prochaine décennie. Ce qui nécessitera probablement un apport de capitaux plus important dans ces banques.
Les prochaines réunions seront l'occasion de mesurer l'ampleur de l'élan généré
Les participants ont convenu de « coopérer pour stimuler l'investissement dans une liste de grands projets d'infrastructure en Afrique ». La suspension et le traitement de la dette devraient être accélérés si nécessaire, « y compris pour accroître la marge de manœuvre budgétaire des pays en situation de surendettement ».
Ils se sont engagés à étendre le cadre commun pour le traitement de la dette du G20 qui a permis la restructuration de la dette du Tchad et de la Zambie à d'autres pays très endettés. Ils ont également reconnu que les catastrophes naturelles liées au climat devaient être prises en compte dans les décisions d'allègement de la dette.
L'économiste Jeffrey Sachs a déploré que des fonds supplémentaires n'aient pas été accordés aux banques multilatérales de développement pour qu'elles les utilisent à des fins de développement. Mais le gouvernement des États-Unis, contrôlé, selon lui, par les grandes entreprises, s’y est opposé. En lieu et place, la réunion s'est contentée de souligner la nécessité d'une utilisation plus efficace des fonds déjà disponibles.
Quoique l'effet de levier ait été plus important que les montants mis sur la table, on pourrait penser que l’application des accords nécessiterait davantage de dollars. Macron et consorts feront sans doute valoir qu'un sommet ad hoc ne peut pas aboutir à des mesures contraignantes et qu'il ne peut en réalité que donner une impulsion.
Les prochaines réunions où des décisions contraignantes pourront être prises — et auxquelles les propositions du Sommet ont été renvoyées — permettront de mesurer l'ampleur de l'élan créé. Parmi celles-ci figurent les réunions du G20, les réunions annuelles de Bretton Woods, la COP28 sur le climat, etc.
De toute évidence, le Sommet de Paris s'est déroulé dans un contexte économique et de développement mondial marqué par la pauvreté et l'endettement, aggravés par la COVID-19 et la guerre, mais aussi dans un contexte géopolitique délicat. La guerre de la Russie en Ukraine et le soutien de l'Occident à cette dernière sont souvent comparés à une nouvelle guerre froide. Elle a suscité une concurrence entre les protagonistes pour gagner l'allégeance du reste du monde, à laquelle beaucoup hésitent à se soumettre.
Le mois prochain, le groupe des BRICS (Brésil-Russie-Inde-Chine-Afrique du Sud) tiendra un sommet en Afrique du Sud, pendant lequel les cinq dirigeants examineront la possibilité d'accueillir de nouveaux membres. De nombreux pays sont manifestement prêts à les rejoindre, précisément parce qu'ils recherchent la sécurité du nombre dans un monde déstabilisé.
L'Afrique du Sud insiste sur le fait qu’il n’y a pas de rivalité entre les BRICS et l'Occident et qu’ils sont complémentaires. Le Brésil et l'Inde sont probablement d'accord. Mais la Russie et la Chine voient sans doute les choses différemment. Dans ces circonstances, Macron et d'autres dirigeants occidentaux ont tout intérêt à réformer des institutions essentielles pour les pays en voie de développement, telles que les banques multilatérales de développement, afin de veiller à ce qu'elles soient à la hauteur de leur mission.
Peter Fabricius, consultant, ISS Pretoria
Image : © Gouvernement fédéral/Bergmann
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