Le débat annuel de l'Assemblée générale de l'ONU ne mène nulle part

À ce stade décisif des affaires dans le monde, le débat général aurait dû présenter davantage de solutions et un meilleur leadership.

Le débat général de la 78e session de l'Assemblée générale des Nations unies s'est achevé de la même manière que les précédents, en suscitant un grand intérêt qui s’est rapidement dissipé.

Ce rassemblement annuel est la principale scène internationale où les pays présentent leurs engagements, leurs réalisations et leur vision de la gouvernance mondiale. Comme pour la plupart des grandes conférences, le gros œuvre réel se fait en coulisses. Cette année, plus de 2 000 réunions bilatérales et 100 événements associés ont été enregistrés.

Cependant, le débat général conduit trop souvent à des déclarations grandiloquentes, prévisibles et creuses des dirigeants, qui reprennent de vieux griefs dans des discours préparés à l'avance et dépourvus de solutions aux problèmes mondiaux.

À ce point d'inflexion de l'évolution de l'ordre international, le débat général de cette année aurait dû être plus enrichissant. Il aurait dû porter sur le comportement des dirigeants face à la concurrence croissante entre les grandes puissances et prendre en compte le changement du centre de contrôle vers le Sud de la planète. La nécessité de changements tangibles pour l'accélération des progrès de la réforme institutionnelle (notamment le Conseil de sécurité des Nations unies) et atteindre les objectifs de développement durable se fait ressentir.

Le Secrétariat de l'ONU l'a reconnu à juste titre en choisissant un thème ambitieux : « Rétablir la confiance et raviver la solidarité mondiale : accélérer l'action menée pour réaliser le Programme 2030 et ses objectifs de développement durable en faveur de la paix, de la prospérité, du progrès et de la durabilité pour tout le monde ».

Les dirigeants n’accordent pas la priorité à l'AGNU pour orienter la gouvernance mondiale

Le Secrétariat ne peut s'acquitter de ce mandat si les États membres ne démontrent pas la volonté nécessaire pour mettre en place un programme commun. Ce facteur est essentiel pour assurer un leadership orienté vers les solutions afin de traiter des questions de changement climatique et de transition équitable, de migrations, de changements anticonstitutionnels de gouvernement, d'extrémisme violent et de pratiques plus équitables au sein des institutions financières internationales.

Malgré la nécessité d'un leadership mondial collectif, le président Joe Biden était le seul des cinq membres permanents du Conseil de sécurité présent lors du débat. Seule la moitié des pays du G20 étaient représentés par leur président ou leur premier ministre et plus de 40 % des dirigeants africains étaient absents.

Ces chiffres étaient pratiquement les mêmes les années précédentes. En réalité, les dirigeants n'accordent pas la priorité à ce rassemblement annuel destiné à mobiliser la communauté internationale et orienter la gouvernance mondiale dans un contexte géopolitique tendu.

Les remarques formulées par des puissances traditionnelles ou émergentes n'ont pas été plus originales. Si de nombreuses thématiques ont été soulevées, elles n'ont pas été élaborées ou traitées dans le contexte actuel des tensions géopolitiques et du malaise multilatéral. Au contraire, la plupart des dirigeants ont abordé ces questions sous l'angle étroit de leur pays, en mettant en avant les initiatives nationales et en exprimant leurs griefs.

Les discours des pays influents n’ont fait qu’exprimer leurs points de vue très limités

Le vice-premier ministre du Royaume-Uni, Oliver Dowden, s'est concentré sur les défis et les opportunités de l'intelligence artificielle. La ministre française des affaires étrangères, Catherine Colonna, s'est montrée plus expansive. Elle a attiré l'attention sur les engagements de la France en faveur d'une aide au développement et d'un financement accrus, ainsi que sur ses approches de la résolution des conflits en Afrique, en soutenant des organisations régionales telles que la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest.

Ces deux membres permanents du Conseil de sécurité ont peu évoqué la manière de surmonter les profondes divisions et tensions structurelles internationales.

Biden, a fourni une évaluation plus approfondie de la manière d'assurer l'avenir de l'ordre institutionnel international et du rôle des États-Unis à cet égard. Soulignant le « devoir de diriger » de son pays en cette période critique, il a insisté sur la volonté des États-Unis de forger de nouvelles alliances mondiales, de réformer et de renforcer les institutions mondiales et de redoubler d'efforts pour soutenir la démocratie et les droits de l'homme. Il a précisé que ces efforts n'avaient pas pour but de limiter un pays (notamment la Chine).

Il n’a que très peu mentionné le déplacement du pouvoir vers le Sud de la planète, la manière dont les États-Unis peuvent ou non soutenir un ordre plus multipolaire et les contradictions en matière de politique étrangère soulevées par d'autres dirigeants.

Les chefs d’État ne sont pas en mesure de proposer de véritables solutions mondiales

Sans surprise, le ministre russe des affaires étrangères, Sergey Lavrov a vivement critiqué la vision américaine du monde. Il a consacré l’essentiel de son discours à présenter l'ordre international comme une lutte entre une minorité (les États-Unis et leurs alliés) dotée de méthodes néocoloniales d'asservissement de la majorité pour maintenir sa domination sur les affaires mondiales.

Le vice-président chinois Han Zheng s'est montré moins antagoniste, offrant une perspective chinoise large et standardisée sur la coopération gagnant-gagnant pour la paix, la sécurité et le développement. Il a toutefois critiqué l'hégémonie occidentale, conformément à l'opinion de Lavrov selon laquelle l'occident a l'intention de diviser le monde en blocs politiques hostiles afin que la majorité mondiale s'aligne et continue à jouer selon ses règles.

D'autres pays des BRICS ont présenté une vision plus nuancée de la manière de gérer les tensions géopolitiques, mais sans proposer de solutions spécifiques ou expliquer comment ils assumeraient cette responsabilité.

Le président sud-africain Cyril Ramaphosa et le ministre indien des affaires étrangères Subrahmanyam Jaishankar ont souligné qu'un dialogue plus important et plus significatif était la seule solution viable. Ils ont réitéré les appels à une réforme institutionnelle mondiale et à de plus grandes concessions de la part des pays occidentaux afin de créer un monde plus durable et plus équitable. Tous deux ont réaffirmé l'indépendance de leur politique étrangère et leur intention de travailler au-delà des clivages géopolitiques.

Les discours de plusieurs pays influents se sont succédé, en fonction de leurs points de vue nationaux très limités. Il en ressort que peu d’actions sont menées pour combler les fossés entre des visions du monde concurrentes.

Alors que les griefs mondiaux augmentent, les chefs d'État proposent peu de véritables solutions mondiales. Les dirigeants doivent dépasser leurs intérêts nationaux et définir des principes et des valeurs pour régir la coopération internationale à l’avenir. Sans cela, les progrès sur les défis urgents tels que le changement climatique seront ralentis dans un monde de plus en plus divisé et instable.

Priyal Singh, chercheur principal, L’Afrique dans le monde, ISS Pretoria

Image : © UN Photo/Cia Pak

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