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La violence sexuelle contre les hommes au Soudan nécessite plus d’attention

Si la violence sexuelle en temps de conflit est de plus en plus reconnue, les agressions contre les hommes et les garçons sont encore négligées.

Au Soudan, le viol est exercé sans distinction contre les hommes, les femmes et les enfants par les deux parties au conflit. Les agressions sont commises dans les communautés des victimes, lorsqu’elles sont détenues ou qu’elles fuient la guerre et sur les lieux de leur réinstallation. Près de 16 000 personnes sont mortes dans le conflit, et la faim et les déplacements s’ajoutent à la crise humanitaire.

Les efforts de dialogue pour mettre fin à la guerre civile qui dure depuis 16 mois n’ont pas abouti. Les derniers pourparlers de paix entamés à Genève le 14 août n’ont pas progressé, en raison de l’absence des Forces armées soudanaises (SAF). Bien que l’appel de la Cour pénale internationale à fournir des preuves pour son enquête sur les crimes de guerre, y compris les violences sexuelles, soit encourageant, il faudra des années avant que les coupables soient jugés.

La violence sexuelle contre les hommes en temps de guerre est fréquente, mais les réponses humanitaires et la plupart des rapports sur le Soudan se concentrent sur les femmes et les filles. Les attaques contre les hommes et les garçons sont difficiles à traiter en raison du manque de données, de la stigmatisation et de la honte. Les lois et les prestataires de soins ne les reconnaissent pas comme victimes, malgré les preuves provenant des conflits en République démocratique du Congo, en République centrafricaine (RCA), en Palestine, en Irak, en Irlande du Nord, en ex-Yougoslavie et d’autres pays.

Les violences sexuelles au Soudan sont liées à l’intensification du conflit entre les SAF et les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR). Le siège actuel d’El Fasher — l’un des rares refuges « sûrs » pour près de deux millions de civils — a bloqué les voies d’acheminement de la nourriture et de l’aide. Les multiples attaques contre le personnel médical, les installations et les fournitures ont entraîné la fermeture de 80 % des hôpitaux au Soudan.

En temps de guerre, les victimes d’agressions sexuelles souffrent de graves problèmes de santé mentale

Dans un contexte de guerre permanente, les victimes de violences sexuelles sont confrontées à de graves problèmes de santé mentale sans accès à un soutien psychosocial. Dans les zones de conflit, la mort, les déplacements et les violences sexuelles constituent une triple menace, parmi d’autres souffrances.

La violence sexuelle contre les hommes en temps de guerre n’est ni nouvelle ni exceptionnelle. Bien que les preuves soient souvent anecdotiques, une étude de 2023 sur les réfugiés du Soudan du Sud réinstallés en Ouganda a révélé une prévalence des attaques contre les hommes bien plus élevée que dans les rapports précédents.

Les statistiques montrent également que les soldats (hommes et femmes) sont plus exposés que les civils pendant les conflits. Une enquête de 2008 sur les survivants au Libéria a montré des taux de violence similaires pour les combattants masculins et féminins (32,6 % et 42,3 %), bien plus élevés que pour les civils hommes et femmes (7,4 % et 9,2 %). L’examen de 447 hommes réfugiés dans l’est de la RDC par le Refugee Law Project en Ouganda a révélé qu’un individu sur trois avait subi des violences sexuelles.

Compte tenu de l’impact plus largement reconnu de la violence sexuelle sur les femmes et les filles, les organisations non gouvernementales (ONG) locales et internationales opérant dans les zones de conflit se concentrent généralement sur les femmes survivantes. Cette situation peut involontairement créer des « hiérarchies du viol » et conduire à des programmes dépourvus de ressources spécifiques et de formations pour les prestataires de santé, de services juridiques et sociaux, en matière de détection et de traitement des victimes masculines de violences sexuelles.

Les sous-déclarations sont nombreuses, par honte et par peur des poursuites pour sodomie

Comme pour les efforts pour documenter les viols des femmes et des filles, l’ampleur des violences sexuelles contre les hommes au Soudan reste inconnue. Cependant, l’absence de données ne signifie pas l’absence d’incidents.

Une longue tradition de dissimulation entoure ces violences, sous le couvert d’actes de torture, comme les castrations, les mutilations génitales, le déshabillage forcé et l’esclavage sexuel. Ces agressions sont également fréquentes dans les territoires palestiniens occupés.

Les mêmes présupposés patriarcaux de pouvoir et de contrôle qui, pendant des décennies, ont masqué les violences sexuelles contre les femmes cachent également les agressions contre les hommes et les garçons au Soudan. Le viol (juridiquement et socialement) reste majoritairement perçu comme s’exerçant contre des femmes qui « appartiennent » aux hommes. Les rares victimes masculines qui révèlent qu’elles ont été violées ne sont pas crues ou pas considérées comme de « vrais » hommes.

Ces stéréotypes d’un autre âge rendent difficile la reconnaissance des hommes en tant que victimes, entraînant une sous-déclaration massive. La honte, la crainte de poursuites pour sodomie ou le rejet social et familial en sont les causes principales. Un rapport du New York Times sur les hommes victimes de viol en RDC a indiqué que « les hommes, ici comme ailleurs, sont réticents à se manifester. Ceux qui l’ont fait sont souvent devenus des naufragés dans leurs villages, des figures solitaires et ridiculisées, appelées par dérision ‟femmes de la brousse” ».

L’attention portée aux femmes dans les conflits peut créer des « hiérarchies du viol »

À court terme, la priorité doit être donnée à un cessez-le-feu et à l’ouverture de couloirs humanitaires pour soulager les souffrances immédiates du peuple soudanais. L’assouplissement récent des restrictions sur la circulation des camions transportant l’aide est encourageant, bien que les conditions de cet arrangement et sa durée restent incertaines. Quoi qu’il en soit, une collaboration avec le vaste réseau d’ONG locales et de groupes de volontaires en première ligne pourrait renforcer ces efforts.

En parallèle, les partenaires locaux et internationaux doivent unir leurs ressources pour que justice soit faite, en documentant les crimes, en préservant les preuves et en permettant des poursuites efficaces.

Les services psychosociaux pour les survivants de violences sexuelles, hommes et femmes, doivent être renforcés, ainsi que le financement de la formation et de la sensibilisation des premiers intervenants pour mieux protéger les hommes et les garçons. Ces interventions sont essentielles pour jeter les bases d’une reconstruction sociale et d’une paix durable au Soudan.

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