L’ONU à 80 ans : quel avenir pour le maintien de la paix ?
Malgré des obstacles, la récente conférence ministérielle des Nations unies a soutenu la réforme du maintien de la paix.
L'avenir du multilatéralisme étant en jeu, les Nations unies ont profité de la conférence qui s'est tenue ce mois à Berlin pour mobiliser le soutien politique en faveur du maintien de la paix, tout en soulignant la nécessité d'une réforme systémique radicale.
Des représentants d'environ 130 États membres des Nations unies, dont 60 au niveau ministériel, ont pris part à la réunion. Soixante-quatorze pays se sont engagés à apporter un soutien financier en vue de renforcer les unités militaires et les capacités de maintien de la paix.
Par rapport aux événements précédents, Berlin a connu une augmentation substantielle du nombre de pays participants et d'engagements pris. Lors de la conférence ministérielle de 2023 au Ghana, sur les 91 États membres participants, 33 se sont engagés à verser des contributions.
Certes, les engagements pris cette année amélioreront les opérations de maintien de la paix des Nations unies, mais ils sont surtout symboliques, et attestent d’un soutien politique majeur. Avec la recrudescence des menaces à l’échelle mondiale, le soutien des États membres révèle que le maintien de la paix est toujours d'actualité.
Le soutien massif des États membres révèle la pertinence des opérations de maintien de la paix de l'ONU
Depuis 2016, la conférence ministérielle sur le maintien de la paix se tient environ tous les deux ans. Les États membres de l'ONU en profitent généralement pour s'engager à renforcer le maintien de la paix et la sécurité du personnel de la mission.
La rencontre de cette année a suscité l'intérêt du public et des médias. Selon les analystes, l’atmosphère à l’ONU était particulièrement tendue, en raison de l’insécurité due au manque de consensus politique et des défis financiers liés à la gestion des crises multilatérales.
Certaines missions de maintien de la paix de l’ONU, notamment au Soudan, au Mali, en République démocratique du Congo et au Liban, ont tenté d’endiguer les conflits et de répondre aux demandes changeantes des pays hôtes et des populations. Le soutien apporté aux missions par le Conseil de sécurité des Nations unies (CSNU), les pays hôtes et les acteurs régionaux était irrégulier, ce qui a compliqué les opérations.
Le dernier plan des États-Unis visant à réduire le financement des opérations de maintien de la paix, voire à les supprimer, restreint les fonds existants. Ce problème découle d'une dépendance excessive au financement américain, ainsi que des retards de décaissement et de l'accumulation des arriérés.
Si plusieurs situations de conflit ont justifié des déploiements, notamment au Soudan, le CSNU n'a pas autorisé de nouvelle mission de maintien de la paix depuis 2014. Selon un rapport récent du Centre pour les opérations de paix internationale , les effectifs du personnel de maintien de la paix des Nations unies sont tombés à 67 715 en 2024, comparés au niveau record de 111 900 en 2015. Les Nations unies comptent actuellement 11 missions de maintien de la paix actives, soit trois de moins qu'en 2015.
Il est essentiel de démontrer un soutien politique, compte tenu des incertitudes liées au rôle futur de l’ONU dans la résolution des conflits. Le second mandat du président américain Donald Trump marque une ère d'engagement ambivalent des États-Unis. Le pays a signalé qu'il pourrait ne pas financer les opérations de maintien de la paix, mais « parallèlement, les responsables américains préconisent une réforme », souligne Daniel Forti, analyste principal de l'ONU pour l'International Crisis Group (ICG).
Forti a déclaré à ISS Today que les autorités américaines privilégient « les priorités historiques de la réforme du maintien de la paix, telles que la performance, l'efficacité et la responsabilité, tandis que leurs diplomates à l'ONU s’attardent sur le renouvellement des mandats des missions et les négociations budgétaires ».
La dissonance de Washington sur la question était évidente à Berlin. « Les États-Unis n'ont fait aucune promesse lors du sommet de Berlin », a déclaré Forti. « Il s'agit d'une décision inhabituelle, mais pas surprenante ».
Il a déclaré que les États-Unis, qui « ont organisé le premier sommet des dirigeants sur le maintien de la paix en 2014 et sont toujours l'un des coprésidents du format ministériel actuel, ont pris des engagements durant les conférences précédentes (y compris les deux organisées pendant le premier mandat de Trump) ». Mais, « certains membres de l'administration actuelle semblent rejeter le maintien de la paix de l'ONU dans son ensemble ».
Le CSNU n’a autorisé aucune nouvelle mission de maintien de la paix depuis 2014
Outre les arguments politiques en faveur du maintien de la paix, la réunion de Berlin a renforcé l’importance des réformes. Ce thème est récurrent dans les discussions sur les défis politiques, opérationnels et financiers du maintien de la paix. Le Pacte pour l'avenir de 2024 a renforcé la nécessité d'une réforme, et les États membres ont demandé un examen des diverses formes d'opérations de paix des Nations unies.
Un récent rapport de l’Alliance mondiale pour les opérations de paix souligne que les États membres et les partenaires devraient réformer le maintien de la paix sans en perdre les caractéristiques essentielles.
Le ministre allemand des affaires étrangères, Johann Wadephul, l'a affirmé lors de la conférence ministérielle, en déclarant que le maintien de la paix devait « s'adapter à un environnement international en mutation ». Il a indiqué qu’il faut envisager plusieurs changements, notamment des mandats réalistes, une approche modulaire, des stratégies de transition et de sortie claires, l'appropriation locale et les implications de la diminution des ressources.
Comme l'a souligné le secrétaire général des Nations unies, António Guterres, ces suggestions nécessitent un soutien politique, car « les opérations de paix ne peuvent réussir [sans] une solution politique ». Cela comprend la mise en place de processus et d’accords de paix, ainsi que l’utilisation des mécanismes existants de prévention des conflits et de médiation.
Il faut traduire le soutien au maintien de la paix en actions et politiques diplomatiques concrètes
Les résultats de la réunion ministérielle seront pris en compte dans l'examen des opérations de paix des Nations unies en 2025 et 2026. Cependant, le principal défi consiste à traduire l’appui politique général au maintien de la paix en actions et politiques diplomatiques tangibles. Comme l'a récemment écrit Comfort Ero, directeur de l'ICG, les États membres semblent ne pas « comprendre comment l'ONU peut adapter ses efforts de maintien et de rétablissement de la paix dans l'environnement politique et sécuritaire instable actuel ».
Ces défis doivent être relevés au CSNU, où les engagements fermes des États membres pour la mise en œuvre de réformes sont nécessaires. L'élargissement du débat à d'autres plateformes, telles que l'Assemblée générale des Nations unies, permettra de regrouper les soutiens autour de solutions politiques. En fin de compte, la réforme des opérations de paix exige une vaste coalition entre les États membres de l’ONU, les acteurs régionaux et la société civile.
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