L’Italienne Giorgia Meloni séduit l’Afrique
La Première ministre italienne d’extrême droite a tendu la main à l’Afrique, mais s’agit-il uniquement d’immigration ?
La Première ministre d’Italie, Giorgia Meloni, qualifiée par certains de néofasciste, s’est révélée plus accommodante que prévu pour de nombreux dirigeants occidentaux. Son parti Fratelli d’Italia (Frères d’Italie) et elle, de droite dure, appartiennent à la même mouvance politique que Marine Le Pen et le Rassemblement national en France.
Pendant sa campagne, Meloni a critiqué plusieurs valeurs de l’UE, notamment les droits LGBTQIA et les « bureaucrates de Bruxelles ». Elle a également exprimé sa sympathie envers Vladimir Poutine.
Mais, une fois au pouvoir, Meloni s’est conformée aux normes de l’UE, du G7 et de l’OTAN. Contrairement aux attentes, elle n’a pas imité le mauvais élève européen, Viktor Orbán, Premier ministre hongrois. Elle a pleinement soutenu Bruxelles et l’OTAN dans leur appui à l’Ukraine contre la Russie et a renforcé l’alliance de l’Italie avec les États-Unis.
Il semble que Giorgia Meloni partage quelques points de vue de l’UE sur l’immigration, même ses détracteurs affirment que c’est en raison de ses politiques alignées sur celles de Bruxelles.
En juillet dernier, Meloni, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen et le Premier ministre néerlandais Mark Rutte ont signé un protocole d’accord avec le président tunisien Kais Saied. L’UE a convenu d’un soutien budgétaire direct et d’un financement accéléré dans les domaines de la stabilité macroéconomique, de l’économie et du commerce, des énergies renouvelables et des contacts interpersonnels.
Le contrôle des migrations serait un pilier central de la politique africaine de Meloni
En contrepartie, la Tunisie s’est engagée à collaborer avec l’UE sur le contrôle des migrations, notamment la prévention des départs par mer, la lutte contre le trafic et la traite des migrants, ainsi que le rapatriement des étrangers tentant de rejoindre l’Europe depuis la Tunisie. En retour, l’UE a promis d’améliorer la mobilité des Tunisiens vers ses États membres.
Cependant, l’accord a suscité la controverse au sein de l’UE, certains États membres critiquant le manque de consultation préalable et craignant une dérive autoritaire du président Saied.
Meloni a montré un grand intérêt pour la Tunisie, qu’elle a visité pour la quatrième fois le mois dernier, motivée par deux raisons principales.
D’une part, elle vise à faire de l’Italie une plateforme pour l’énergie africaine. D’autre part, la Tunisie est une voie d’accès majeure vers l’Europe pour les migrants clandestins, l’Italie étant une destination clé. Bien que la Libye ait été le principal point de départ et l’Espagne, le principal point d’arrivée en 2024, de nombreux migrants clandestins continuent d’arriver en Italie. Selon Lucio Malan, président du Sénat italien, « La Sicile est plus proche de la Tunisie que de Rome ».
Le contrôle des migrations semble être l’un des principaux objectifs de la politique africaine de Meloni. Parmi ses initiatives, le premier sommet Italie-Afrique, intitulé « Un pont pour une croissance commune », s’est tenu à Rome en janvier. Ce sommet a rassemblé 20 chefs de gouvernement africains ainsi que des représentants de 46 pays, dont Saied. Des dirigeants de l’Union africaine, de la Banque africaine de développement, de l’UE et du Fonds monétaire international étaient également présents.
Les 5,5 milliards d’euros du plan Mattei semblent insuffisants pour une stratégie en Afrique
Ce sommet a marqué le début de la présidence italienne du G7 et a permis à Meloni de présenter son plan Mattei pour l’Afrique, basé sur le principe de la « coopération entre égaux » et articulé autour de six piliers : l’éducation, la santé, l’énergie, l’eau, l’agriculture et les infrastructures.
Dans son discours au sommet, Meloni a mis l’accent sur l’énergie, affirmant que l’Italie s’engageait à « soutenir les nations africaines désireuses de produire suffisamment d’énergie pour leurs besoins internes tout en exportant le surplus vers l’Europe, conciliant ainsi les intérêts de l’Afrique en matière de développement énergétique et de prospérité avec ceux de l’Europe en quête de nouvelles sources d’énergie ».
Elle a ajouté que l’Italie travaillait avec l’UE à la construction de l’infrastructure de connexion pour ce pont énergétique, citant par exemple l’interconnexion électrique ELMED entre l’Italie et la Tunisie, et le nouveau corridor SoutH2 pour transporter l’hydrogène de l’Afrique du Nord vers l’Europe centrale via l’Italie.
Selon Meloni, le plan Mattei vise à libérer le potentiel de l’Afrique tout en offrant à sa jeunesse « la possibilité de rester sur place, sans être contrainte de migrer à la recherche d’une vie meilleure, une option davantage difficile à atteindre en Europe ».
Le plan de l’Italie a été favorablement accueilli par les représentants de l’UE, Von der Leyen le jugeant conforme à l’initiative « European Global Gateway », un programme d’investissements Europe-Afrique de 150 milliards d’euros. Certains ont toutefois souligné la nécessité d’intégrer le plan Mattei dans un cadre européen plus large, car les 5,5 milliards d’euros annoncés sont insuffisants pour une stratégie continentale.
Meloni a reçu un soutien inattendu du président de la Banque africaine de développement
Le président de la Commission de l’UA, Moussa Faki Mahamat, a regretté le manque de consultation de l’Afrique sur le plan Mattei, bien qu’il soit d’avis que la « transformation des zones de pauvreté en espaces de prospérité » est cruciale pour gérer les flux migratoires.
Par ailleurs, des ONG africaines du secteur de l’environnement reprochent à l’Italie de ne pas consulter la société civile et de se concentrer sur les combustibles fossiles. Certains s’inquiètent que l’UE compromette ses valeurs en collaborant avec des leaders comme Saied, et qu’elle achète essentiellement le soutien des pays africains pour freiner l’immigration.
D’autres se méfient du soutien de Von der Leyen au plan Mattei, alors qu’elle affronte une réélection difficile et que les partis de droite anti-immigration de l’UE gagnent en popularité.
Meloni a reçu un soutien inattendu du président de la Banque africaine de développement, Akinwumi Adesina, après leur rencontre post-sommet. Il a déclaré que la Banque africaine de développement était prête à travailler avec le gouvernement italien, car « le plan Mattei s’inscrit dans les priorités de la Banque… Vous pouvez compter sur la Banque africaine de développement comme partenaire de choix ».
Selon l’Istituto Affari Internazionali d’Italie, l’approbation d’Adesina signifie qu’en dépit de ses défauts, le plan Mattei pourrait bénéficier d’une consultation plus étendue en Afrique, impliquant les élites et d’autres parties prenantes, et de son intégration dans un cadre européen plus large.
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