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Galamsey : le Ghana doit agir pour éviter une crise imminente

Il faut bannir les intérêts politiques pour éviter que l’exploitation minière illégale ne détruise les forêts, les terres et le réseau hydrographique.

L’exploitation minière illégale à petite échelle au Ghana, connue sous le nom de galamsey, détruit l’environnement, cause des maladies, aggrave la pénurie d’eau et endommage les terres agricoles, notamment les cultures de cacao.

Le galamsey concerne également de grandes entreprises minières opérant de manière illicite. Il est pratiqué par des Ghanéens et des étrangers, notamment des Chinois et des ressortissants d’Afrique de l’Ouest, comme ceux du Burkina Faso et de Côte d’Ivoire. Selon le magazine militaire Africa Defense Forum, entre 2008 et 2013, plus de 50 000 Chinois sont entrés dans le pays pour extraire de l’or illégalement.

La riposte du gouvernement a commencé en 1989 avec la loi sur l’exploitation aurifère à petite échelle, visant à légaliser l’exploitation artisanale et à combattre les activités illégales. Cependant, les gouvernements successifs n’ont pas réussi à résoudre le problème.

La loi de 2006 sur les minéraux a réservé l’exploitation minière à petite échelle aux citoyens ghanéens et mis en place des moyens de subsistance alternatifs pour les personnes qui dépendent du galamsey. En 2013, une force d’intervention conjointe (militaires et personnels de sécurité) a expulsé 4 500 mineurs chinois.

Lorsque Nana Akufo-Addo est devenu président en 2017, il a affirmé qu’il risquerait sa présidence pour lutter contre le galamsey. Il a mis en place un comité interministériel sur l’exploitation minière illégale, présidé par le ministre de l’Environnement.

La pollution hydrique par le galamsey pourrait contraindre le Ghana à importer de l’eau d’ici 2030

Depuis lors, des interventions coûteuses ont été menées, notamment le déploiement de soldats dans des opérations telles que Halt, Vanguard, Flush Out et Galamstop. Dans certains cas, des équipements, notamment des excavateurs, ont été saisis et brûlés.

Au début du mois, le procureur général et ministre de la Justice, Godfred Yeboah Dame, a déclaré que 76 personnes avaient été condamnées depuis août 2021, et que plus de 850 autres devaient être jugées pour exploitation illégale. L’État a également mis en place des programmes d’exploitation minière communautaire pour encadrer l’extraction à petite échelle et la rendre plus responsable.

Ces efforts restent vains– le galamsey persiste, exacerbant son impact sur l’environnement. L’utilisation massive de bulldozers et d’excavateurs a dévasté les forêts, pollué les rivières Pra, Ankobra, Oti, Offin et Birim, et détruit des terres agricoles.

Ghana Water Company Limited a récemment alerté contre une grave pénurie d’eau si le galamsey n’est pas enrayé. Les niveaux de turbidité de l’eau atteignent 14 000NTU (unités de turbidité néphélométriques), bien supérieurs aux 2 000 NTU requis pour un traitement adéquat. Les experts estiment que le pays pourrait importer de l’eau d’ici à 2030. Les recherches établissent un lien entre la pollution de l’eau liée au galamsey et des maladies chroniques comme l’insuffisance rénale, les malformations congénitales et le cancer, un constat fait dans plusieurs communautés minières du Ghana.

Des hauts fonctionnaires, politiciens et financiers du parti ont été incriminés, mais jamais poursuivis

La Commission des forêts exprime de vives préoccupations face à la destruction continue des forêts. Actuellement, 34 des 288 réserves forestières du pays sont touchées par l’exploitation minière illégale, dévastant 4 726 hectares de terres. Plusieurs réserves importantes ont déjà été détruites par ces activités illicites.

Le galamsey détruit également les terres agricoles, en particulier les cacaoyères. Les données du Ghana Cocoa Board montrent que la production, actuellement de 429 323 tonnes, est inférieure à 55 % de la production saisonnière, principalement en raison de l’exploitation minière illégale. À Mankurom, plus de 100 000 acres de cacao ont été détruits.

Des syndicats, groupes religieux et personnalités influentes, pressent le gouvernement d’agir. Ils exhortent le président à déclarer l’état d’urgence pour stopper toute activité minière dans les réserves forestières et autour des cours d’eau.

Ces appels sont une avancée, mais l’engagement du gouvernement est vital. Les tentatives passées pour enrayer le galamsey ont échoué, souvent en raison de la corruption et d’un manque de volonté politique. Par exemple, 500 excavateurs saisis dans le cadre de ces opérations ont disparu.

Certains hauts fonctionnaires, financiers du parti et politiciens influents ont été incriminés, mais aucune poursuite n’a suivi. Le rapport du comité interministériel du gouvernement sur l’exploitation minière illégale met en cause des membres de l’État et du New Patriotic Party (NPP), le parti au pouvoir.

L’application stricte de la loi anti-galamsey pourrait nuire aux chances électorales du parti au pouvoir

L’entreprise Akonta Mining, propriété de Bernard Antwi Boasiako, président du NPP dans la région Ashanti, aurait exploité illégalement des mines dans la réserve forestière de Tano Nimiri, sans bail ni droits miniers ni permis. Bien que le ministre des Terres et des Ressources naturelles, Samuel Abu Jinapor, ait ordonné l’arrêt des activités de l’entreprise, aucune poursuite n’a été engagée.

Une application stricte de la loi contre le galamsey pourrait nuire aux chances électorales du NPP. La perte de sièges parlementaires dans les communautés minières lors des élections de 2020 serait due à la répression de ces pratiques.

La lutte contre le galamsey doit transcender les discours et les comités. Il faut interdire les activités minières dans les zones sensibles, comme les plans d’eau et les réserves forestières et abroger la loi permettant au président d’y autoriser l’exploitation minière.

Le président doit également sanctionner les contrevenants au sein de son parti et de son gouvernement, en démettant de leurs fonctions les chefs de district des zones touchées par le galamsey.

Il est crucial de créer une commission indépendante pour examiner la légalité des baux et activités des sociétés minières, et poursuivre rapidement les contrevenants. Des tribunaux spéciaux pourraient être institués pour juger ces affaires rapidement.

La Commission nationale pour l’éducation civique doit sensibiliser le public, en particulier dans les communautés minières, aux effets destructeurs de l’exploitation minière illégale à petite échelle.

Les autorités traditionnelles doivent prendre des mesures disciplinaires à l’encontre des chefs traditionnels complices, comme l’a fait récemment le souverain d’Ashanti, Otumfuo Nana Osei Tutu II. Ces chefs doivent également mobiliser les groupes de protection de la communauté pour surveiller et signaler l’exploitation minière illégale aux autorités.

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