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Coup de projecteur : La réponse du Bénin à l’extrémisme violent s’inspire des analyses de l’ISS

Les recherches de l'ISS sur l’extrémisme violent ont permis aux autorités béninoises de mieux appréhender et prévenir le phénomène.

À la demande de l’Agence béninoise de gestion intégrée des espaces frontaliers (ABeGIEF), l’Institut d’études de sécurité (ISS) a partagé ses dix années de recherche empirique sur l’extrémisme violent dans le bassin du lac Tchad et au Sahel.

Ce travail a permis aux autorités de mieux appréhender les motivations des individus qui s’associent à des groupes extrémistes violents, le mode opératoire de ces groupes et leurs liens complexes avec les économies illicites et les conflits locaux. Les analyses de l’Institut ont permis au gouvernement du Bénin de s’attaquer à des chaînes d’approvisionnement de ressources liées à l’extrémisme et de mieux appréhender en quoi les réponses de l’État affectent les communautés locales.

« Les recherches de l’ISS ont servi dans l’élaboration des réponses du Bénin à l’extrémisme violent qui reposent sur des faits et des connaissances approfondies du terrain », a déclaré le directeur général de l’ABeGIEF, le Dr Marcel Baglo.

« Nous travaillons avec l’ISS parce que nous connaissons son expertise avérée et sa capacité à valoriser l’expérience acquise sur l’ensemble du continent. Nous apprécions l’équipe de recherche de l’ISS qui est composée d’Africains dotés d’une connaissance pointue du Bénin et de l’Afrique de l’Ouest. Nous bénéficions de conseils sincères et d’informations fiables qui ont considérablement éclairé notre compréhension d’un phénomène complexe. »

En 2017, l’ISS a reconnu la nécessité de changer les perceptions inexactes des gouvernements et du public concernant l’extrémisme violent, notamment ses causes, ses impacts et ses principaux acteurs. En partenariat avec l’ABeGIEF, l’Institut a organisé en 2018, un atelier de partage d’expériences au profit des responsables de la défense, de la sécurité et de la justice. L’une des recommandations phares de cette rencontre était la nécessité d’anticiper et de prévenir, en évitant de percevoir l’extrémisme violent comme un phénomène lointain, mais plutôt comme une menace émergente dans la zone frontalière avec le Burkina Faso. Le premier incident de nature extrémiste enregistré au Bénin s’est produit en 2019. Ce chiffre a atteint une vingtaine en 2022, et plus du double en 2023. Ces incidents sont principalement attribués au Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans et, dans une moindre mesure, à l’État islamique dans le Grand Sahara.

Au début des discussions en 2018, les parties prenantes ne s’appuyaient pas sur des faits probants

Ces organisations profitent de la porosité des frontières, du litige territorial entre le Bénin et le Burkina Faso concernant la zone de Kourou-Koalou, des griefs des populations à l’encontre de l’État, de la faible présence de l’État notamment dans les zones frontalières et du besoin des populations de protéger leurs moyens de subsistance.

« Lorsque l’ISS a entamé des discussions avec les parties prenantes nationales au Bénin en 2018, les connaissances et la compréhension de l’extrémisme violent ne s’appuyaient pas sur des faits probants. Le phénomène était largement considéré comme une menace extérieure », explique Jeannine Ella Abatan, chercheuse principale au bureau de l’ISS à Dakar.

« Nous avons identifié le besoin urgent de contribuer à une compréhension empirique des vulnérabilités que les groupes exploitent pour opérer au Bénin. Notre objectif était d’encourager des actions préventives pour endiguer l’expansion rapide des incidents au Bénin et dans les autres États côtiers. »

Les recherches de l’ISS montrent que bien avant les premières attaques au Bénin, les groupes se sont ravitaillés en moyens opérationnels et ont recruté au Bénin grâce à des alliances avec des personnes impliquées dans des activités illicites. Il s’agit de la contrebande de carburant, du trafic de chanvre indien et du braconnage.

En 2022, à la demande du Conseil de l’Entente, l’ISS a mené des recherches dans les quatre départements du nord du Bénin (Alibori, Atacora, Borgou et Donga) sur les liens entre l’extrémisme violent et les activités illicites.

L’ISS a présenté ses conclusions au Comité de haut niveau, dirigé par Patrice Talon, le président béninois

« Notre méthodologie nous permet de nous entretenir avec des personnes qui vivent dans des zones où opèrent les extrémistes, y compris ceux et celles qui collaborent avec eux », explique Mme Abatan. Parmi les personnes interrogées figuraient des individus impliqués dans des activités illicites, leurs familles et associés, des membres de la communauté, des forces de défense et de sécurité, ainsi que des chercheurs et des acteurs étatiques en charge de l’élaboration et de la mise en œuvre de réponses.

Lors d’un atelier de validation organisé à Cotonou en septembre 2022, les acteurs béninois ont enrichi et validé les résultats de ce travail de recherche concernant les liens entre l’extrémisme violent et les activités illicites. L’atelier a réuni des représentants du ministère de la Défense, de la Sécurité publique, de l’Économie et des Finances, du Développement, de la Justice, de l’Administration locale, de l’Eau, des Mines et de l’Agriculture. Des membres du parlement, de la société civile, des chercheurs et des universitaires étaient également présents. Les participants ont confirmé que les recommandations de l’ISS vont nourrir les réponses futures en matière d’extrémisme violent.

Avec l’accord de hauts responsables de l’État, l’ISS a organisé une réunion à huis clos avec l’ABeGIEF, réunissant des cadres de la police, de l’armée et des services de renseignement, ainsi que des représentants de la société civile. Les résultats des recherches de l’ISS ont été présentés au Comité de haut niveau chargé de la lutte contre le terrorisme et l'insécurité aux frontières, présidé par le directeur de cabinet militaire du président Patrice Talon.

À la demande des autorités béninoises, l’ISS a revu le Plan d’urgence de lutte contre le terrorisme et l’insécurité aux frontières et a organisé des ateliers de partage d’expériences au profit d’officiels des services de renseignement béninois.

Pour plus d’informations, veuillez contacter :

Ella Jeannine Abatan, ISS : [email protected]

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