Coup de projecteur : ENACT aide le Kenya à combattre le trafic de bois de santal
L’ISS travaille avec la police kenyane et les agents forestiers pour juguler le commerce illicite de bois de santal.
Les recherches du programme ENACT de l’Institut d’études de sécurité (ISS) sur la criminalité organisée ont révélé l’ampleur du commerce illégal du bois de santal au Kenya et l’existence d’un réseau complexe de relations marquées par la corruption. Elles préconisent certaines interventions aux échelles communautaire, nationale et régionale.
« ENACT a aidé le Service des forêts du Kenya (KFS) à cartographier le commerce illicite, à identifier les acteurs clés et les itinéraires commerciaux, et à mettre au jour les cas d’infiltration des services de sécurité par le crime organisé, déclare l’inspecteur en chef du KFS, Gledy Kosgey. ENACT nous a donné beaucoup d’idées pour protéger nos santals et empêcher que le commerce illicite ne provoque davantage de pertes. »
Le santal d’Afrique de l’Est (Osyris lanceolata) est un arbre qui pousse à l’état sauvage dans les forêts communautaires du nord du Kenya. Ses feuilles, son écorce et ses racines sont utilisées dans la médecine traditionnelle locale et sont prisées par les industries mondiales de la parfumerie, des cosmétiques et des produits pharmaceutiques.
Un kilogramme de bois de santal se vend sur place pour moins d’un dollar, mais un litre d’huile de santal peut atteindre les 3 000 dollars US sur les marchés internationaux. La demande, en augmentation depuis 2002, a attiré les syndicats du crime organisé, ce qui a provoqué la déforestation et la perte de la biodiversité, et mis les santals en danger d’extinction au Kenya.
Au niveau local, les arbres sont abattus par des complices. Les femmes jouent les intermédiaires et négocient avec les chefs des communautés et certains policiers. Cédant à la corruption, des agents de police, des douanes et des autorités portuaires facilitent ensuite les livraisons vers les pays voisins, le Moyen-Orient et l’Asie. L’origine du bois est souvent dissimulée.
Le santal a été inscrit sur la liste des espèces menacées en 2004 par la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES). En 2005, en seulement neuf mois, le Service kényan de la faune sauvage (KWS) a procédé à 179 arrestations et saisi environ 180 tonnes de bois d’origine illégale. En 2007, le Kenya a décrété une interdiction de cinq ans de la récolte du bois de santal et, en 2013, la CITES a déclaré que l’espèce serait menacée d’extinction si son commerce n’était pas contrôlé.
Malgré ces efforts, le trafic du bois de santal s’est poursuivi.
Le commerce illégal a été massivement réduit grâce aux poursuites contre leurs auteurs
En septembre 2022, un policier gradé et deux chauffeurs de police ont été arrêtés avec plus de 13 tonnes de bois illégal, ce qui met en évidence le rôle de fonctionnaires corrompus dans ce commerce.
Deux mois plus tard, en réponse à ces arrestations, le Dr Willis Okumu, chercheur principal au sein du projet ENACT, a participé à la formation d’un groupe de travail technique et politique comprenant le KFS, la Direction des enquêtes criminelles (DCI), l’ambassade des États-Unis et l’organisation non gouvernementale (ONG) Focused Conservation.
Le trafic illicite de bois de santal est ainsi devenu une priorité. Le groupe de travail a également permis d’inciter les communautés, les services kenyans des forêts et de la faune sauvage, les ambassades et les ONG de protection de la nature à prendre des mesures.
« Grâce à la mobilisation d’ENACT, nous avons désormais la force et l’énergie pour élever la voix, dénoncer les trafiquants à la police et les poursuivre devant les tribunaux sans craindre qui que ce soit », déclare John Tineja, un défenseur de l’environnement du réseau de sécurité humaine du nord du Kenya.
Avec l’arrestation des braconniers, des négociants, de policiers et de responsables de la conservation, le commerce illégal a été considérablement réduit. Évalué auparavant en tonnes, il se mesure maintenant en kilogrammes.
« ENACT a fourni les informations qui ont permis de procéder à de nombreuses arrestations, explique l’inspecteur en chef du KFS, Kosgey. Le programme a joué un rôle important dans l’instauration d’un dialogue entre les communautés, la police et les agences environnementales afin de coordonner la lutte contre le commerce illicite, et a contribué à éduquer les communautés sur l’utilisation durable du bois de santal de culture. »
En février 2023, la police kenyane a brûlé des tonnes de bois de santal saisies à Nairobi, une marque bien visible de l’intention du gouvernement de s’attaquer au trafic. C’était aussi un appel à l’action lancé aux gouvernements d’Afrique de l’Est face aux insuffisances dans la lutte contre ces crimes environnementaux. La destruction du bois saisi a empêché qu’il soit revendu par des fonctionnaires corrompus et incité les forces de l’ordre kenyanes à s’engager à enquêter sur les crimes environnementaux et à poursuivre les responsables.
« En sensibilisant et en coordonnant l’effort contre la récolte illicite, massive et organisée de bois de santal, nous protégeons la biodiversité et les moyens de subsistance, et nous perturbons la criminalité environnementale organisée », déclare Okumu.
La nomination de Roselinda Soipan Tuya, secrétaire d’État à l’Environnement, au Changement climatique et aux Forêts, a montré la volonté des dirigeants kenyans de faire rendre des comptes aux trafiquants et aux fonctionnaires qui seraient complices.
Pour plus d’informations, veuillez contacter :
Willis Okumu, ISS : [email protected]