Le plastique de contrebande saccage l’environnement au Cameroun

Le flux constant de matières plastiques non biodégradables illégales nuit à l’environnement, à l’économie et à la santé publique.

Au Cameroun, les matières plastiques interdites, qui entrent en contrebande, menacent l’environnement, la santé publique et le secteur agricole. Le trafic est alimenté par une demande croissante due au prix élevé des alternatives légales au plastique. Et bien que les agents des douanes procèdent activement aux saisies des produits de contrebande qui profitent de la porosité des frontières, les mesures gouvernementales de lutte contre ce phénomène se révèlent largement insuffisantes.

La fabrication, la possession, la vente et la distribution gratuite de sacs en plastique fin et non biodégradable et des granulés utilisés pour les fabriquer sont interdites au Cameroun. Les contrevenants risquent entre deux et dix ans de prison et s’exposent à des amendes pouvant aller jusqu’à 20 000 dollars US. Cependant, malgré l’interdiction et la sévérité des peines infligées, les emballages plastiques illicites continuent de circuler sur les marchés camerounais. Ce sont des sacs produits et achetés à un prix relativement bas, et ils sont facilement jetables.

Les sacs en plastique d’une densité de 60 microns, ou moins, se décomposent plus lentement que les sacs épais. Leur décomposition peut durer jusqu’à 400 ans et, même après tout ce temps, ils se délitent en particules toxiques encore plus petites qui contaminent l’environnement. En outre, le fait d’emballer des aliments chauds dans ce type de plastique fin est dangereux pour le consommateur car des substances non comestibles issues du pétrole sont émises qui entraînent des problèmes de santé à long terme.

Selon les statistiques du ministère de l’Environnement, de la Protection de la nature et du Développement durable, les déchets non biodégradables représentent environ 10 % des six millions de tonnes d’ordures produites chaque jour au Cameroun. Une partie considérable de ces déchets est constituée de produits dérivés de matériaux en polyéthylène (plastique) entrés en contrebande.

Les déchets plastiques obstruent les cours d’eau du Cameroun, provoquant de nombreuses inondations et favorisant la propagation de maladies

Les commerçants des pays voisins, dont le Nigeria et le Gabon, font entrer clandestinement ces sacs interdits au Cameroun dissimulés dans des cargaisons légales, ou leur font traverser la frontière par des sentiers pédestres. Dans la chaîne de contrebande on trouve des grossistes et des fonctionnaires intégrés dans l’économie criminelle. Certains policiers acceptent volontiers des pots-de-vin, tandis que d’autres sont corrompus par les trafiquants qui négocient la libération des grossistes qui ont été arrêtés et la remise des produits de contrebande confisqués.

Les déchets plastiques non biodégradables sont déversés sans discernement, obstruant les cours d’eau des grandes villes. Ils provoquent ainsi des inondations généralisées qui propagent des maladies à transmission vectorielle, telles que le paludisme et le choléra.

Le plastique empêche également l’eau de s’infiltrer dans les sols, ce qui retarde le développement des racines et diminue la production agricole. Il a provoqué la mort de bétail, notamment dans la région Nord du Cameroun, où des animaux paissant librement ont mangé des déchets plastiques éparpillés dans les pâturages.

L’augmentation des saisies indique que les douaniers s’acquittent de leurs tâches de police des frontières et de surveillance des ports. En 2014 et 2015, plus de 200 personnes ont été arrêtées pour avoir introduit clandestinement du plastique dans le pays. Les opérations, qui ont conduit à la saisie de 60 tonnes de produits de contrebande d’une valeur de plus de 483 000 dollars, ont été menées par le ministère de l’Environnement, les agents des douanes et le ministère du Commerce dans la région du Sud-Ouest.

Le Cameroun doit augmenter la production d’alternatives peu coûteuses et polyvalentes au plastique non biodégradable

En 2019, les douaniers ont saisi 8,4 tonnes de sacs en plastique non biodégradable, et en avril 2020, 50 tonnes dissimulées dans des sacs de piment et de thé ont été confisquées dans la région du Nord. En septembre 2020, 800 kg de sacs plastiques illicites en provenance du Nigeria ont été saisis à Maroua, capitale de la région de l’Extrême-Nord. En septembre 2021, des fonctionnaires ont détruit 42 tonnes de plastiques non biodégradables à Garoua, dans la région du Nord.

Malgré ces succès, les mesures prises par le gouvernement n’ont pas réussi à endiguer le problème. La volonté politique fait défaut pour faire appliquer la loi et trouver des solutions environnementales à cette économie criminelle. Pour lutter contre la contrebande, il faut renforcer les contrôles aux frontières et la coopération policière internationale avec le Nigeria et le Gabon, pays d’origine de la contrebande.  

Il est tout aussi essentiel d’adopter des approches à plus long terme de la gouvernance environnementale. Tout d’abord, le gouvernement doit augmenter la production d’alternatives bon marché et polyvalentes au plastique non biodégradable. Les entreprises qui se concentrent sur l’innovation écologique et l’économie circulaire – qui implique la réutilisation, la remise à neuf et le recyclage des matériaux aussi longtemps que possible ­– devraient être soutenues par l’État. Les écologistes estiment que cela nécessite un changement de mentalité.

Deuxièmement, une éducation soutenue des populations devrait accompagner l’application de la mesure d’interdiction des plastiques illicites. Les conseils locaux du Cameroun sont censés assurer le développement et améliorer les conditions de vie en élaborant, en mettant en œuvre et en contrôlant des plans d’action environnementaux. Le gouvernement central devrait charger les conseils urbains et ruraux de mener des campagnes de sensibilisation et contribuer à leur financement.

Ces solutions réduiraient la demande en matières plastiques non biodégradables, ce qui pourrait décourager la contrebande.

Oluwole Ojewale, coordinateur régional de l’Observatoire du crime organisé – Afrique centrale, ENACT, ISS

Image: © Ollivier Girard/CIFOR

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