Le Ghana doit rétablir la confiance envers son système judiciaire
L’impartialité politique de la Cour suprême est mise en cause, fragilisant la démocratie, alors que les élections de décembre approchent.
Publié le 04 novembre 2024 dans
ISS Today
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La Cour suprême du Ghana, accusée de partialité, a été qualifiée de « Cour suprême unanime ». À l’approche des élections générales, ce manque de confiance pourrait fragiliser l’état de droit et la démocratie, notamment en cas de contestation des résultats du scrutin prévu le 7 décembre.
La controverse a éclaté le 17 octobre, lorsque le président du Parlement, Alban Bagbin, a déclaré vacants quatre sièges parlementaires : trois appartenant au parti au pouvoir, le New Patriotic Party (NPP), et un au principal parti d’opposition, le National Democratic Congress (NDC). Se fondant sur un précédent de 2020, Bagbin a considéré que les quatre députés avaient enfreint l’article 97, paragraphe 1, de la Constitution de 1992.
Cette décision a modifié l’équilibre parlementaire, rendant le NPP minoritaire et le NDC majoritaire. En réponse, le chef du groupe parlementaire du NPP a obtenu une injonction ex parte de la Cour suprême le jour même, suspendant la décision de Bagbin.
Le NDC et une partie de la population accusent la Cour suprême de partialité et d’ingérence dans les affaires parlementaires. Cette crise a entraîné une montée des tensions politiques et l’ajournement indéfini de l’Assemblée parlementaire.
Le NDC affirme que le gouvernement remplit les tribunaux de ses partisans. Une étude réalisée par un professeur de droit ghanéen révèle que les juges tendent à statuer en faveur des partis politiques qui les ont désignés. Or, presque tous les juges qui siègent actuellement ont été nommés par le président. La confiance publique dans le système judiciaire est donc au plus bas.
L’ajournement du Parlement augmente les tensions politiques à l’approche des élections de décembre
Selon l’enquête Afrobaromètre 2021-2023, 62 % des Ghanéens ont peu ou pas confiance dans les tribunaux, un chiffre qui a doublé par rapport aux 30 % de 2005-2006. Plus alarmant, 97 % des Ghanéens considèrent les juges et magistrats comme corrompus.
Le traitement des affaires politiques, souvent perçu comme favorable à l’exécutif, en est la principale cause. L’incohérence des décisions, en particulier celles de la Cour suprême, renforce la perception d’allégeance au pouvoir en place.
En 2020, des organisations de la société civile ont contesté devant la Cour suprême la révocation du vérificateur général de l’époque, Daniel Yao Domelevo, par le président. Il a fallu trois ans à la Cour pour déclarer inconstitutionnelle l’action du président, alors que celui-ci était déjà à la retraite.
De même, la contestation de la loi de 2020 sur l’imposition de restrictions pendant la pandémie de COVID-19 a duré trois ans. Lorsque la loi a été déclarée inconstitutionnelle en juin 2023, elle n’avait plus d’effet, la pandémie étant terminée.
En 2022, la Cour suprême a rapidement validé un recours sur l’absence de quorum du NPP au Parlement lors du vote du budget, permettant au vice-président du Parlement de se compter dans le quorum et de voter pour l’adoption.
97 % des Ghanéens estiment que juges et magistrats sont corrompus
En revanche, un recours similaire des députés du NDC concernant le vote de la taxe sur les transactions électroniques, qui n’avait pas atteint le quorum, est resté en suspens plus de deux ans après son dépôt.
De même, la présidence a refusé de signer le projet de loi de 2021 sur la promotion des droits sexuels appropriés et des valeurs familiales ghanéennes, invoquant une demande d’injonction portée devant la Cour suprême. Bien que l’injonction ait été entendue, la décision a été reportée jusqu’au jugement final sur le fond.
Pourtant, une injonction déposée par un député du NDC pour empêcher l’approbation des nominations ministérielles du président a été rapidement rejetée, bien qu’elle soit postérieure à celle sur le projet de loi des valeurs familiales.
Ces exemples renforcent l’impression que la Cour suprême favorise le gouvernement. Albert Kan-Dapaah, ministre de la Sécurité nationale, a averti qu’une telle partialité pourrait éroder la confiance dans la justice et inciter à des actions illégales. Un ancien président de la Cour suprême a aussi estimé la Cour trop prévisible.
La défiance envers la justice menace l’état de droit et affaiblit la démocratie. Le candidat du NDC à la présidence a déjà déclaré que son parti ne chercherait pas à obtenir réparation auprès de la Cour, car il n’obtiendrait pas justice. Le parti prévoit de surveiller le scrutin afin d’assurer les élections.
La baisse de confiance dans les tribunaux résulte de leur gestion des affaires politiques
Cette situation met en péril la démocratie ghanéenne, alors que le mécontentement et la tolérance envers une intervention militaire augmentent.
À moins d’un mois des élections, le pouvoir judiciaire doit agir pour restaurer la confiance. Des réformes pourraient être envisagées.
D’abord, la nomination du président de la Cour suprême devrait être plus transparente. Le Conseil judiciaire pourrait présélectionner des juges de haut rang, qui seraient ensuite soumis à des entretiens publics. Le président nommerait alors le meilleur candidat, sous réserve de l’approbation parlementaire, garantissant ainsi une sélection fondée sur le mérite et non des considérations politiques. La nomination des juges de la Cour suprême pourrait suivre un processus similaire.
Ensuite, il serait judicieux de limiter le nombre de juges nommés dans les hautes juridictions, en particulier à la Cour suprême, pour que les tribunaux ne soient perçus comme remplis de partisans du gouvernement.
Par ailleurs, il faut mettre en place un processus de désignation des juges plus transparent et mieux réguler les jugements des affaires, notamment celles à enjeu politique. Les différences de délai dans leur traitement selon leur nature ou les parties impliquées instaurent un climat de méfiance. Ces réformes contribueraient à renforcer la crédibilité du système judiciaire.
Enfin, pour dissiper les craintes de partialité dans les décisions unanimes, les juges de la Cour suprême devraient publier leurs avis individuels, notamment sur les affaires politiques sensibles.
De telles mesures contribueraient à restaurer la confiance dans le système judiciaire ghanéen.
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