Enfants mineurs : la face cachée de l’abondance du coltan en RDC

Les lois et dispositifs de certification ne protègent pas les plus vulnérables en République démocratique du Congo, une nouvelle approche est indispensable.

Le coltan est l’un des minerais les plus vitaux au monde, et 60 % des réserves mondiales se trouvent dans la province du Kivu de la République démocratique du Congo (RDC). En 2019, 40 % de l’offre mondiale de coltan a été produite en RDC.

En raison de sa capacité particulière à stocker et à libérer l’énergie électrique, ce minerai est utilisé dans les téléphones mobiles, les ordinateurs portables et d’autres appareils. Avec le développement de la technologie 5G, la demande de coltan congolais va augmenter. Mais ceci n’est pas une bonne nouvelle pour tout le monde en RDC.

Une grande partie du coltan du pays est extraite grâce au labeur de plus de 40 000 enfants et adolescents travaillant dans les mines. Originaires de villages et de villes isolés du Kivu, ils abandonnent l’école ou n’ont jamais eu l’occasion de la fréquenter. Le caractère informel du secteur extractif offre des opportunités d’emploi attrayantes aux enfants vulnérables, qui constituent un vivier de main-d’œuvre bon marché.

Le travail de ces enfants consiste à laver et à creuser, et ce, dans des conditions dangereuses. Ils se livrent également à de petits trafics, vendant du coltan pour des sommes dérisoires dans les villes situées le long des frontières avec le Burundi, l’Ouganda et le Rwanda. Effectuant le travail d’adultes dans un environnement dangereux, de nombreux enfants mineurs sont victimes de harcèlement, d’abus et de problèmes de santé. Les risques professionnels comprennent notamment l’exposition quotidienne au radon, une substance radioactive associée au coltan et dont le lien avec le cancer du poumon a été établi.

Les enfants mineurs sont quotidiennement exposés au radon, une substance radioactive dont le lien avec le cancer du poumon a été établi

Faustin Kantanga, une figure de proue de la société civile à Bukavu, a déclaré au projet ENACT sur la criminalité organisée que les mines de coltan étaient couramment le théâtre de prostitution, de maladies sexuellement transmissibles et de viols, et que les enfants mineurs se trouvaient exposés à ces dangers. En outre, les enfants parcourant de longues distances pour s'adonner au trafic de coltan sont exposés à la traite des êtres humains et au recrutement par des groupes armés.

La quantité de coltan issue du travail des enfants reste non certifiée et intraçable. Extrait illégalement, ce minerai est commercialisé dans l’économie souterraine et introduit dans la chaîne d’approvisionnement mondiale par le biais du trafic, de la contrefaçon et de la collusion.

Le gouvernement de la RDC a adopté plusieurs mesures visant à juguler le recours au travail des enfants dans les mines de coltan. Le pays a promulgué des lois et signé certaines normes de certification dans le secteur extractif. Le Code minier de la RDC a été révisé en 2017 afin de pénaliser le recours au travail des enfants ou la vente de minerai extrait par des enfants. Conformément à la législation nationale et aux normes de la chaîne d’approvisionnement, des dispositifs de traçabilité et de certification ont également été mis en œuvre.

Le Centre d’expertise, d’évaluation et de certification (CEEC) des substances minérales précieuses et semi-précieuses, créé par le ministère congolais des Mines, est chargé d’établir le traçage et la certification du coltan. Cette institution a pour mandat de collaborer avec les organismes de réglementation internationaux, depuis les sites miniers jusqu’aux marchés de matières premières en Asie, en Europe et en Amérique du Nord.

Les mineurs et les entreprises extractives sont avertis des inspections à venir par des informateurs, voire par des fonctionnaires

Au nombre des protocoles de certification internationaux notables dont la RDC est signataire figurent le Mécanisme régional de certification de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs, le Système de certification du Processus de Kimberley et la loi Dodd-Frank. Le pays est également signataire du Guide OCDE sur le devoir de diligence pour des chaînes d’approvisionnement responsables en minerais provenant de zones de conflit ou à haut risque de l’Organisation de coopération et de développement économiques, et du Règlement sur les minerais provenant de zones de conflit.

Tous ces engagements n’ont cependant pas permis d’empêcher l’exploitation d’enfants dans les mines de coltan en RDC. Les dispositifs de certification des minerais ne sont pas correctement mis en œuvre, et la loi concernant le travail des enfants et les conditions de travail dangereuses qui y sont associées non plus. Si ces cadres sont complémentaires, leur faisabilité dans l’est de la RDC reste discutable.

L’administration n’a pas la capacité de garantir la conformité, et le financement et le personnel des départements provinciaux chargés de surveiller le travail des enfants sur les sites miniers sont insuffisants. Les mineurs et les sociétés de l’industrie extractive contournent également les protocoles de certification des minerais. Le travail de terrain effectué par ENACT en RDC a révélé que les inspections, peu fréquentes, sont sabotées par des informateurs, voire par des fonctionnaires, dont les avertissements quant aux visites de sites à venir permettent aux mineurs de cacher les enfants qui y travaillent.

En somme, l’exploitation et le commerce illicites du coltan en RDC sont favorisés par une mise en œuvre défaillante des dispositifs de certification, par des tentatives constantes de contourner les réglementations et par l’application inadéquate de la loi. Cela sème le doute sur l’utilité de tous les dispositifs de certification adoptés par le pays.

Il faut promouvoir l’inscription des enfants vulnérables à l’école afin de limiter leur recrutement dans les mines

Il faut adopter une approche différente. Afin de limiter le recrutement des enfants dans les mines, le gouvernement congolais doit constituer et financer un groupe de travail indépendant ayant pour mandat de poursuivre les entreprises coupables de recruter des enfants mineurs. Il convient en outre d'encourager l’inscription des enfants vulnérables à l’école, notamment au moyen de fonds réservés à cet effet et de campagnes de sensibilisation.

Compte tenu du problème du travail des enfants dans les mines de coltan, l’approche de la certification des minerais doit faire peau neuve. Les groupes de pression internationaux peuvent plaider en faveur de l’harmonisation des différents dispositifs de certification afin de pouvoir les appliquer de manière uniforme dans les régions riches en minerais de l’est de la RDC.

Les partenaires de développement doivent contribuer à former et à équiper des groupes d’observateurs de la société civile au niveau local afin de pouvoir surveiller et soumettre régulièrement des rapports d’incidents concernant le travail des enfants dans les mines de coltan. Ces « rapports parallèles » permettraient de valider ou non les audits de certification effectués par des fonctionnaires de l’État.

Oluwole Ojewale, coordinateur régional de l’Observatoire de la criminalité organisée - Afrique centrale, ISS Dakar

Cet article a été publié initialement par le projet ENACT, qui est financé par l’Union européenne (UE). Le contenu de cet article relève de la seule responsabilité de l’auteur et ne peut en aucun cas être considéré comme reflétant la position de l’UE.

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Crédit photo : Compromis.net

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