Équipe média Shoprite

L’égalité des sexes en Afrique : une voie vers la prospérité

Réduire les inégalités de genre pourrait faire gagner 259 milliards de dollars à l'économie africaine d'ici 2043.

La fragilisation continuelle de la planète, alimentée par les conflits, la COVID-19, la guerre entre la Russie et l'Ukraine et le changement climatique, a aggravé les disparités entre les hommes et les femmes. 

En Afrique, les femmes sont souvent plus vulnérables au changement climatique en raison de leur rôle social, de leur situation économique et de leur accès limité aux ressources. Elles sont plus susceptibles de dépendre de secteurs sensibles au climat, comme l'agriculture. De ce fait, leurs moyens de subsistance subissent les effets des changements climatiques, des sécheresses et des inondations. D’autre part, les femmes sont représentées de manière disproportionnée dans l'économie informelle, qui a été gravement touchée par la COVID-19.

Les inégalités entre les hommes et les femmes en Afrique sont enracinées dans les normes et les traditions sociales et culturelles. Bien que les politiques et les législations aient progressé, le continent est loin d'avoir atteint l'égalité des sexes. L'Afrique subsaharienne est la région qui a la plus forte valeur dans l'indice d'inégalité de genre du Programme des Nations unies pour le développement (voir graphique), une mesure composite de la disparité entre les sexes selon trois dimensions : la santé reproductive, l'autonomisation et le marché du travail. 

 

Au rythme actuel, on estime qu'il faudra plus d'un siècle pour parvenir à une égalité totale entre les hommes et les femmes en Afrique. Les disparités entre les sexes affectent l'éducation, les soins de santé, l'emploi, la représentation politique et l'accès aux ressources.

Les femmes africaines sont plus susceptibles que les hommes de mourir de maladies transmissibles telles que le VIH, la tuberculose, le paludisme et les carences nutritionnelles. Bien que les soins de santé maternelle sur le continent se soient améliorés au cours des deux dernières décennies, environ 70 % des décès maternels dans le monde se produisent en Afrique subsaharienne, en raison de préjugés sexistes dans l’accès aux soins de santé.

Les femmes et les filles en Afrique assument également la plus grande part du travail de soins non rémunéré et des tâches domestiques. Elles sont confrontées à un risque plus élevé de violence, en particulier à la maison, et sont sous-représentées sur le marché du travail, en politique, dans la gouvernance et la prise de décision. En 2019, les femmes constituaient en moyenne 56 % de la main-d'œuvre en Afrique, contre 73 % pour les hommes, une amélioration puisque l'écart était de 23 points de pourcentage en 1990.

Au rythme actuel, il faudra plus d'un siècle pour parvenir à une égalité de sexes en Afrique

Au niveau régional, l'écart le plus important se situe en Afrique du Nord, où le taux de participation des femmes à la population active était d'environ 22 % en 2019, contre 70 % pour les hommes. Bien que l’inégalité entre les sexes dans le domaine de l'éducation soit plus faible en Afrique du Nord, cela ne s’est pas traduit par un progrès pour les femmes sur le marché du travail. En 2021, la Banque mondiale a signalé que les femmes de la région sont confrontées à des lois injustes qui les privent de tout pouvoir économique. Des pays comme l'Égypte, le Maroc et la Tunisie interdisent aux femmes de travailler dans certains secteurs. 

En Afrique, les femmes occupent en moyenne 24 % des sièges des assemblées législatives, mais seulement 7 % des postes de direction. Bien que les gouvernements locaux soient considérés comme des points d'entrée en politique pour les femmes, ces dernières n'occupent que 21 % des postes de conseillers. Le Rwanda, la Namibie, l'Afrique du Sud et le Sénégal font partie des rares pays qui ont progressé dans ce domaine et se classent parmi les 10 premières nations au monde pour la représentation des femmes dans les parlements.

Même dans le domaine de l'éducation, où il y a eu des progrès significatifs dans la réduction des inégalités entre les sexes, les filles en Afrique subsaharienne restent les plus désavantagées par rapport aux autres régions du monde. Le grand nombre de mariages et de grossesses précoces, la pauvreté et les normes sociales qui valorisent les garçons au détriment des filles sont autant de facteurs qui limitent l'accès des femmes à l'éducation. 

Les changements climatiques aggravent ces inégalités. Les africaines, contraintes par leurs rôles sociétaux, leur statut économique et l'accès limité aux ressources, sont vulnérables de manière disproportionnée aux effets du changement climatique.

Le secteur des services bénéficie le plus de la réduction des inégalités hommes - femmes

L'élimination de ces inégalités entre les hommes et les femmes aurait des avantages considérables. Une nouvelle étude menée par le programme Afriques futures et innovation de l'Institut d’études de sécurité montre ce que le développement de l'Afrique pourrait tirer d'une plus grande intégration de la dimension de genre.

En prenant pour référence les progrès réalisés par d'autres pays ou régions à des niveaux de développement similaires, l'étude modélise l'impact d'une réduction ambitieuse mais réaliste des inégalités entre les hommes et les femmes (« scénario sur le genre ») sur les perspectives de développement de l'Afrique à l'horizon 2043. Le rapport comprend également un scénario illustratif sur l'égalité des sexes qui modélise l'effet d'une égalité totale des sexes d'ici 2043, tout en reconnaissant que cet objectif n'est pas réalisable dans la pratique.

Dans le scénario sur le genre, l’économie africaine en 2043 représente environ 259 milliards de dollars US de plus que dans les prévisions fondés sur le statu quo. Le secteur des services bénéficie grandement de la réduction des inégalités entre les sexes, gagnant 174 milliards de dollars US en valeur ajoutée par rapport à la trajectoire de croissance actuelle d'ici 2043.

La réduction des barrières entre les sexes dans le scénario accélère le passage des femmes de l'agriculture à d'autres secteurs, en particulier celui des services. Alors que la plupart des femmes travaillent encore dans l'agriculture, elles sont de plus en plus nombreuses dans le secteur des services en Afrique, en partie en raison de l'évolution des normes sociales. Dans le scénario sur le genre, le PIB par habitant de l’Afrique est supérieur de 355 dollars US aux prévisions fondées sur le statu quo d’ici 2043, et il y a 53 millions de personnes en moins vivant dans l’extrême pauvreté.

Les autorités religieuses et traditionnelles doivent jouer leur rôle dans les campagnes de sensibilisation

Le scénario illustratif de l'égalité totale des sexes est encore plus impressionnant. Il montre une économie africaine supérieure de 1 000 milliards de dollars US aux prévisions de la trajectoire actuelle. Le PIB par habitant est supérieur de 12 % et l'Afrique compte 80 millions de personnes en moins vivant dans l'extrême pauvreté en 2043 par rapport aux prévisions de la trajectoire actuelle.

Ces résultats impliquent qu'une mise en œuvre énergique de politiques de réduction des inégalités entre les hommes et les femmes et de création de conditions équitables pour tous pourrait considérablement renforcer la croissance et le développement de l'Afrique. 

Les politiques doivent s'attaquer aux valeurs culturelles et traditionnelles profondément ancrées qui sont la cause première de l'inégalité entre les hommes et les femmes. Les gouvernements devraient donner la priorité à l’application de conventions internationales et régionales visant à réduire les disparités entre les hommes et les femmes, en particulier dans les zones rurales où des pratiques discriminatoires non contrôlées persistent. Il est essentiel d'impliquer les chefs religieux et traditionnels dans les campagnes de sensibilisation et d'éducation.

L'investissement dans la gratuité de l'éducation jusqu'au niveau secondaire promouvrait de manière significative l'égalité des sexes dans l'éducation. Les gouvernements devraient lutter contre les mariages et les grossesses précoces, en fixant l'âge minimum du mariage à 18 ans et en facilitant l'accès aux contraceptifs et à l'éducation sexuelle. Encourager les filles et les femmes à suivre des formations scientifiques, technologiques, en ingénierie et en mathématiques grâce à des bourses et à des modèles inspirants peut réduire l'écart entre les hommes et les femmes dans des secteurs lucratifs.

Les services de santé reproductive, les réformes juridiques visant à remédier aux disparités concernant la propriété foncière et les programmes agricoles qui tiennent compte des spécificités de chaque sexe sont également essentiels. L'élimination des obstacles juridiques à l'emploi des femmes, l'investissement dans des infrastructures qui réduisent le temps consacré à la production domestique et l'allongement du congé de paternité peuvent renforcer la participation des femmes au marché du travail et atténuer l'inégalité salariale.

L’adoption de quotas obligatoires, de processus électoraux sensibles au genre et de programmes de mentorat peut stimuler la participation politique des femmes. L'éducation sur la violence domestique et le soutien aux victimes, ainsi que les conséquences juridiques pour leurs auteurs, sont essentiels.

Toutes ces mesures pourraient réduire les inégalités entre les hommes et les femmes en Afrique et favoriser le développement et la prospérité.

Cet article a été publié pour la première fois dans Africa Tomorrow, le blog du programme Afriques futures et innovation de l'ISS.

Les droits exclusifs de re-publication des articles ISS Today ont été accordés au Daily Maverick en Afrique du Sud et au Premium Times au Nigéria. Les médias basés en dehors de l'Afrique du Sud et du Nigéria qui souhaitent republier des articles ou faire une demande concernant notre politique de publication sont invités à nous écrire.

Partenaires de développement
L’ISS tient à remercier les membres du Forum de partenariat de l’Institut, notamment la Fondation Hanns Seidel, l’Open Society Foundations, l’Union européenne, ainsi que les gouvernements du Danemark, de l’Irlande, de la Norvège, des Pays-Bas et de la Suède.
Contenu lié