Déjà vu : les cycles perpétuels d'espoir et de désespoir de la RDC

Une démocratie véritable et des visionnaires novateurs sont indispensables à la réforme et au développement de la République démocratique du Congo.

« Un nouveau leadership peut-il transformer le destin de la RDC ? » Tel était le thème d’un séminaire présenté cette semaine par l’Institut d’études de sécurité (ISS) et le South African Institute of International Affairs (SAIIA). Il s’agit d’une question pertinente.

Cependant, comme l’a fait remarquer l’un des intervenants, Daniel Mukoko Samba, vice-Premier ministre et ministre du Budget de la République démocratique du Congo (RDC) entre 2012 et 2014, cette question est récurrente.

En sa qualité d’ancien proche du pouvoir (bien qu’il le soit encore, à certains égards, puisqu’il fait partie de l’équipe de la présidence de l’Union africaine du président Félix Tshisekedi), M. Mukoko a rappelé que l’on pose cette même question à chaque fois qu’un nouveau leadership arrive au pouvoir en RDC.

Une pointe d’espoir pour ce géant tentaculaire qui semble avoir tant de potentiel naît avec chaque nouveau gouvernement. Cet espoir est néanmoins sans cesse anéanti par les réalités accablantes du pays, notamment la persistance d’une pauvreté écrasante, l’instabilité perpétuelle et, surtout, la mauvaise gouvernance et la corruption.

Le système politique est-il responsable de la création d’une élite politique, économique et militaire à la recherche de rentes ?

Selon un rapport présenté lors du séminaire par Kouassi Yeboua, chercheur à l’ISS, et rédigé par Yeboua et ses collègues de l’ISS Jakkie Cilliers et Stellah Kwasi, 73 % de la population de la RDC, soit environ 60 millions de personnes, vit toujours dans la pauvreté. Le PIB par habitant n’atteint aujourd’hui que 40 % de sa valeur au moment de l’indépendance en 1960.

Pourtant, ce pays est doté d’immenses ressources minérales et d’une superficie de terres arables plus importante que tout autre pays d’Afrique. Malgré cela, la RDC se voit contrainte à importer la majeure partie de ses produits alimentaires, pour une somme d'environ 1,5 milliard de dollars par an. Selon M. Yeboua, tous ces minerais n’ont guère profité aux Congolais ordinaires. Ils ont surtout enrichi une élite en quête de maximisation des rentes et des hommes d’affaires étrangers malhonnêtes.

M. Yeboua affirme que la RDC aurait dû transformer son économie en valorisant ses ressources naturelles grâce à une politique industrielle cohérente. Cependant, il était plus facile d’augmenter la production agricole afin d’accroître la production économique et de nourrir la population. Le pays devrait également déléguer davantage de pouvoirs aux échelons inférieurs du gouvernement et leur allouer davantage de ressources.

Le problème principal de la RDC réside dans un leadership politique très faible. M. Yeboua a indiqué que l’Indicateur de gouvernance mondial de la RDC, évalué par la Banque mondiale, n’était que de 0,9 point sur 5, contre une moyenne de 1,4 pour les pays africains à faible revenu et de 1,7 pour l’Afrique subsaharienne. Il a ajouté que la principale condition imposée par le Fonds monétaire international (FMI) pour accorder à la RDC un prêt de 1,5 milliard de dollars était l’amélioration de la gouvernance.

En RDC, les grandes coalitions gouvernementales et les cabinets pléthoriques entretiennent un népotisme généralisé

Cependant, M. Mukoko a ensuite énuméré les nombreux plans de réforme économique ambitieux élaborés depuis le retour de la Banque mondiale et du FMI en RDC en 2001, après une absence de dix ans. Chacun de ces plans a suscité une avalanche de nouvelles lois et un regain d’espoir qui s’est ensuite lentement estompé.

MM. Mukoko et Yeboua sont convenus de la source du problème, qui réside dans l’élite politique, économique et militaire à la recherche de rentes, et dans la corruption de cette élite. Mukoko a toutefois un point de vue intéressant à ce sujet. En effet, il rejette la faute sur le système politique, plutôt que sur une corruption inhérente à l’élite politique.

Il estime que le nombre très important de partis politiques en RDC, entre 600 et 650, est à l’origine du problème. Cela entraînerait inévitablement la création de grandes coalitions gouvernementales tentaculaires et de cabinets pléthoriques, le gouvernement actuel compte environ 56 ministres, où le népotisme est monnaie courante.

Il a noté que dans ce système, certains partis se voyaient accorder le monopole de portefeuilles ministériels spécifiques. Il était donc très difficile pour un président d’éradiquer la corruption et d’instaurer une bonne gouvernance sans être accusé de partialité politique et de cibler ses ennemis politiques.

Un bon point de départ serait de mettre au pouvoir les politiciens effectivement élus par le peuple congolais

En outre, le besoin de grandes coalitions signifie également qu’il est long et difficile de former un gouvernement après les élections. Il a noté qu’à la suite des élections de décembre 2018, il avait fallu plus de deux ans à Tshisekedi pour mettre en place sa coalition « d’union sacrée » et ainsi remplacer l’alliance du Front commun pour le Congo (FCC) de son prédécesseur Joseph Kabila.

M. Mukoko a déclaré être membre d’un groupe de plaidoyer indépendant qui cherche à obtenir des réformes électorales consensuelles afin que les prochaines élections cruciales de 2023 permettent au pays de se doter d’un gouvernement plus fort et plus cohérent. Ce qu’il n’a pas dit, c’est que la solution que ses collègues et lui recherchent était sans doute sous leurs yeux depuis le début : la démocratie.

Le problème de l’élection de 2018 réside dans le fait que, comme l’a souligné la modératrice du séminaire, Stephanie Wolters, chercheuse principale à SAIIA, Tshisekedi n’a pas remporté l'élection. Il a été choisi par la faction de Kabila pour faire office de compromis entre son propre candidat Emmanuel Ramazani Shadary, qui avait réuni trop peu de voix pour être crédible, et Martin Fayulu de la coalition Lamuka, qui avait réellement gagné.

C’est cet accord qui est à l’origine de la dépendance de Tshisekedi vis-à-vis de Kabila pour son soutien politique. Cette dépendance, à son tour, a essentiellement paralysé le gouvernement pendant que Tshisekedi se battait pour se défaire de la mainmise de Kabila sur le plan politique en formant une coalition de son cru, peu maniable, pour essayer d’évincer celle de son prédécesseur.

Comme l’a déclaré Wolters, « le problème fondamental réside dans le fait que l’élite politique gouverne en fonction de ses propres intérêts, ce qui rend les efforts de réforme, même les plus enthousiastes, très difficiles à faire progresser dans la durée ».

« Tshisekedi dispose encore d’un certain temps pour démontrer sa volonté de réformer véritablement la gouvernance. Cependant, ses récentes mesures de lutte contre la corruption, par exemple, démontrent déjà une certaine sélectivité politique. Si la gouvernance doit réellement s’améliorer, personne ne doit être au-dessus de la loi. »

Peut-être la politique de la RDC est-elle intrinsèquement fracturée et a-t-elle besoin d’un leader visionnaire, pas nécessairement très démocratique, pour prendre les choses en main et imposer les réformes économiques nécessaires, comme d’aucuns le pensent. Mais jusqu’à l’arrivée de ce messie, il serait opportun de commencer à renforcer la cohérence comme base du développement en mettant au pouvoir le personnel politique que le peuple congolais a choisi par les urnes.

Peter Fabricius, consultant ISS

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